La transition des modes de vie est une orientation du projet d’Agence, mais qu’entendons-nous derrière cette notion ? Pierre Kende* souligne, dès la fin des années 1970, le caractère flou de cette notion « il a (…) été reconnu qu’il serait illusoire d’espérer qu’on puisse définir le mode de vie de façon unitaire, objective et arrêtée une fois pour toute ». Programme difficile, mais comme le souligne Bruno Maresca** « éclairer [cette notion] suppose (…) de l’insérer dans une perspective d’action ».
C’est ici que se situe l’Agence d’urbanisme, dans la perspective d’action.
Comment ce qui constitue « l’ensemble des pratiques et représentations de la vie quotidiennes déclinables à différentes échelles (catégories sociales, territoires, individus), » peut être saisi par une Agence d’urbanisme au bénéfice de ses membres ?
Outil d’ingénierie et d’accompagnement des politiques publiques, cette manière de s’en saisir recouvre deux réalités :
- L’observation. Il s’agit de proposer par des méthodes quantitatives et qualitatives d’éclairer les partenaires sur les évolutions de territoires à différentes échelles. On le constate, les modes de vie, les pratiques et représentations collectives évoluent rapidement, très rapidement. A titre d’exemple, la composition des ménages poursuit une forte décroissance avec une augmentation des ménages seuls (de 27% en 1990, à 38% en 2021, selon l’INSEE). L’automobile, qui permet de plus en plus de déplacements et de plus en plus éloignés, était présente dans 30% des ménages en 1960, contre 81% en 2021. Autre élément saillant, l’équipement de smartphone est passé de 31% des ménages en 2004, contre 85% en 2018… Autant d’éléments qui attestent de pratiques qui évoluent et qu’il importe de porter à connaissance de manière fine et dans un laps de temps court aux partenaires pour réfléchir à leur action publique. L’Agence d’urbanisme a aujourd’hui la capacité de s’appuyer sur des méthodes quantitatives robustes, tout en développant une capacité d’observation des choix de décisions des ménages à travers un travail de terrain, de rencontres, de liens avec les habitants et acteurs des territoires.
- L’aide à la décision. Être en capacité d’éclairer les élus, à travers l’observation, est une première marche dans la capacité à bien envisager l’action publique. Être en capacité de s’appuyer sur ces évolutions pour faire naître des profils de ménages, provenant de travail d’enquêtes de terrain (en plus des éléments statistiques), permet d’impacter la construction de la décision collective. Epures développe de plus en plus de méthodologies afin d’aider les élus à objectiver les comportements de leurs concitoyens, en lien avec les implications en termes d’action publique. Les profils de ménages d’un territoire permettent aux élus de se poser plus finement une question essentielle, « pour qui faire l’action publique ?». Cette question est fondamentale à la définition des orientations politiques pour une action plus efficiente à terme.
Concernant l’Agence d’urbanisme, Emile Claudius-Petit ne disait-il pas « Au lieu de laisser chacun faire n'importe quoi, on s'entendait, on se mettait autour d'une table et, en confiant à des hommes de métier le soin de mettre en forme les idées qui pouvaient être débattues autour de la table. C'était ça l'epures, je crois que c'est toujours cela » - finalement chercher de nouvelles méthodes qui saisissent l’air du temps, et qui anime la réflexion des élus, c’est bien cela que nous tentons toujours de faire aujourd’hui et qui était déjà dans l’esprit de l’un des membres fondateurs.
*1976. « La prospective de la consommation et des modes de vie. L’état des travaux français ». Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 7, 2, p. 203-227.
**Mode de vie : de quoi parle-t-on ? Peut-on le transformer ? in La pensée écologique, Presses Universitaires de France, 2017/1
