Communes-interco : le schéma de mutualisation, catalyseur du projet commun

Le législateur encourage et facilite depuis des années les mécanismes de mutualisation au sein du bloc communal, avec des arrière-pensées en premier lieu financières. Mais quels sont les ingrédients d’une stratégie de mutualisation intelligente, qui donne sens au projet commun du bloc local et qui ne se résume pas au rapprochement des services entre la ville centre et l’EPCI ? Cet article se propose d’y apporter quelques éléments de réponse.

Mutualiser des moyens au sein du bloc communal n’a rien d’une évidence. Derrière des logiques technocratiques ou mathématiques, des réalités premières doivent être prises en compte. Elles sont humaines.

Mettre en commun des moyens, aussi modestes soient-ils, c’est accepter pour les communes concernées de céder une part de leur souveraineté à un ensemble plus vaste sur lequel elles n’auront pas totalement prise.

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Confiance et clarté des objectifs, les indispensables préalables

Un tel effort sur soi-même n’est envisageable que s’il existe un minimum de confiance et d’envie de travailler ensemble. Autrement dit, commencer un projet intercommunal par la mutualisation serait commettre une réelle erreur stratégique, d’autant qu’en première lecture, cette notion reste floue pour beaucoup de maires, qui y voient une forme de synonyme de transfert de compétence, et donc de déshabillage toujours plus intense des prérogatives des communes au profit de « l’ogre » intercommunal. Aussi, il est essentiel de travailler en amont le projet commun du bloc communal et de le traduire dans une charte de gouvernance avant de se lancer dans la passionnante mais exigeante aventure de la mutualisation.

La mise en conformité avec une obligation réglementaire est rarement un moteur suffisant pour créer de l’adhésion

Ce prérequis étant posé, il est essentiel de créer le désir de ce travail en commun. La mise en conformité avec une obligation réglementaire (celle d’élaborer un schéma de mutualisation en début de mandat) est en effet rarement un moteur suffisant pour créer de l’adhésion. Présenter la mutualisation comme une forme de retour aux sources du projet intercommunal originel peut être le moyen de créer cet appétit de coopération : qu’est-ce en effet que l’intercommunalité si ce n’est une sorte de coopérative d’action publique au service des communes ?

Lire aussi : Communes-interco : la solidarité, clef de voûte du projet partagé

Analyse du besoin et des formes de coopération

Faire de l’obligation réglementaire du schéma de mutualisation une opportunité politique de mieux organiser l’action publique sur le territoire et de repenser le projet commun, telle est la clef de voûte d’une démarche réussie. Cela passe en premier lieu par l’affirmation d’objectifs politiques forts (solidarité en direction des communes les plus petites, accès à des expertises nouvelles, économies d’échelle permettant de redéployer des moyens sur de nouvelles politiques publiques, etc.), couplée à une solide analyse du besoin. En la matière, une enquête quantitative sous forme de questionnaire auprès des communes est à la fois indispensable, sous réserve qu’elle soit co-construite avec les DGS de communes, et insuffisante. Elle gagne à être complétée par des entretiens avec un panel d’acteurs (maires, DGS et cadres de communes) permettant de mieux identifier les sujets clés et les cliquets qui permettront de progresser par étapes vers des formes de coopération-mutualisation plus abouties.

Une enquête quantitative sous forme de questionnaire auprès des communes est à la fois indispensable et insuffisante

Les résultats de cette analyse du besoin ne sauraient se passer d’un débat politique de fond, tant en conférence des maires qu’en réunion des DGS pour « embarquer » le plus grand nombre et identifier les éventuels signaux faibles qui pourraient freiner la démarche par la suite.

Lire aussi : Communes-intercos : le difficile exercice du partage des compétences

Une feuille de route de la mutualisation

Un tel débat, pour être utile, doit donner lieu à une feuille de route de la mutualisation ciblant les thématiques prioritaires, les déclinaisons envisagées, leur cadencement dans le temps et les questions à traiter avant de passer à l’acte. Cette feuille de route doit être assortie d’un vocabulaire commun qui permette de s’accorder sur des mots-valises dont la signification politique est différente d’un interlocuteur à l’autre : mutualisation, coopération, services communs, transferts de compétences, prestations de service etc.

Un tel débat, pour être utile, doit donner lieu à une feuille de route de la mutualisation

Enfin, il est essentiel de rappeler que les démarches de coopération-mutualisation ne sont pas uniquement descendantes (de la communauté vers les communes) mais qu’elles peuvent être tout aussi horizontales (entre communes) qu’ascendantes (d’une commune vers l’EPCI). Un équilibre entre ces différentes formes de mutualisation et des niveaux d’intégration/d’engagement très divers (du simple espace d’échanges de pratiques jusqu’au service commun) est souvent la garantie que le plus grand nombre s’y retrouve.

Les garanties d’une démarche au long cours

Une fois l’étape de la réalisation et de l’appropriation du schéma de mutualisation passée, le plus dur commence : faire vivre la dynamique sur la durée et éviter que le schéma ne dorme dans un tiroir, d’autres préoccupations prenant le relais.

Pour ce faire, une attention toute particulière doit être portée à la nature du portage politique et technique. En ce qui concerne le pilotage technique, le DGS de l’intercommunalité doit naturellement assumer la fonction de directeur de projet, mais cette fonction gagne à être partagée avec deux ou trois DGS de communes particulièrement intéressés ou moteurs pour assurer un portage collectif de la démarche, respectueux de la diversité des points de vue. Pour chaque action ou projet de coopération-mutualisation envisagé, la désignation d’un binôme de pilotage DGS de commune – cadre de l’intercommunalité est assurément un gage de réussite sur la durée.

La désignation d’un élu référent du schéma de mutualisation dans sa globalité et d’élus référents des différentes actions envisagées est indispensable pour que ce sujet devienne un sujet de débat politique régulier

En relais de cette équipe technique de pilotage, la désignation d’un chef de projet « cheville ouvrière » au sein de l’administration communautaire (responsable des coopérations territoriales ou chargé de mission auprès du DGS par exemple) est indispensable pour assurer la cohérence de la démarche et apporter un appui méthodologique aux différents binômes. Sur le plan politique, la désignation d’un élu référent du schéma de mutualisation dans sa globalité et d’élus référents des différentes actions envisagées (les VP thématiques concernés par exemple) est indispensable pour que ce sujet sorte de son image très technico-gestionnaire et devienne un sujet de débat politique régulier au sein de la conférence des maires et en amont des bilans annuels prévus au moment du débat d’orientation budgétaire.

Quoi qu’il en soit, le jeu en vaut la chandelle : investir dans un portage politique et technique soutenu du schéma de mutualisation présente un retour sur investissement très puissant pour la qualité du projet communautaire dans son ensemble et pour l’atmosphère de travail au sein du bloc communal. À cet égard, l’élaboration du schéma de mutualisation et du pacte de gouvernance formera, au début du mandat prochain, les deux jambes d’un même édifice : la construction du vivre ensemble au sein du bloc communal et ses conditions de réussite sur la durée.

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