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Les jeunes "Neet" en France : des profils très divers

963.000 jeunes de 16 à 25 ans n'étaient ni en études, ni en emploi, ni en formation en 2018, soit 13% de la classe d'âge, et davantage si l'on intègre les jeunes suivant une formation non formelle sportive ou culturelle. La Dares et l'Injep mettent en avant la diversité de profils et de conditions de vie de ces jeunes "Neet", dont près de la moitié sont dans cette situation depuis au moins un an. Deux facteurs d'éloignement à l'emploi sont particulièrement mis en avant : l'absence de tout diplôme et le fait d'être une jeune mère.

La Dares (ministère de l'Emploi) et l'Injep (ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse) viennent de publier deux études sur les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation, appelés "Neet" dans la nomenclature européenne (pour "not in education, employment or training"). La Dares rappelle que des politiques d'insertion professionnelle, telles que la garantie jeunes et le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea), sont "spécifiquement destinées à ces jeunes".

Ainsi, selon les chiffres de la Dares, 963.000 jeunes de 16 à 25 ans étaient dans cette situation en France en 2018, selon les critères de la définition d'Eurostat, soit 12,9% des jeunes de cette tranche d'âge. Ce taux s'élevait à 13,7% en 2015. À noter que la définition d'Eurostat peut être considérée comme "restrictive" dans la mesure où elle n'intègre pas les jeunes pratiquant "une activité non formelle comme des cours de sport, ou des cours liés à des activités culturelles ou de loisirs", soit quelque 177.000 jeunes supplémentaires. L'OCDE, qui prend en compte ces jeunes, retient le taux de 16,1% de Neet parmi les 15-29 ans, contre 13,1% selon la définition d'Eurostat.

La moitié sans emploi ni formation depuis au moins un an

Globalement, "les jeunes Neet sont moins diplômés, vivent plus souvent chez leurs parents et ont plus fréquemment un handicap reconnu que les autres jeunes", résume la Dares. L'"effet du diplôme reste significatif", alors que les deux tiers des jeunes sortis du système scolaire au moment du collège ou d'un CAP ou BEP avant la dernière année ne sont ni en emploi ni en formation, "contre un tiers des jeunes ayant obtenu un CAP ou un BEP, et un jeune diplômé de l’enseignement supérieur sur six".

Mais la catégorie "Neet" utilisée notamment pour les comparaisons internationales cache des profils et des niveaux d'éloignement à l'emploi assez différents. La direction statistique du ministère du Travail distingue en particulier les "Neet de longue durée", sans emploi ni formation depuis un an ou plus. Représentant 48% de l'ensemble, ils sont en moyenne moins diplômés et "cumulent les difficultés socio-économiques". On trouve parmi eux davantage de jeunes "nés à l’étranger ou dont les deux parents sont de nationalité étrangère", de jeunes "vivant sans leurs parents" ou avec "un enfant vivant dans leur logement". Ces "Neet de longue durée" sont également moins souvent en contact avec le service public de l'emploi (56% d'entre eux le sont, contre 63% pour l'ensemble des Neet).

La Dares isole par ailleurs les 53% de chômeurs parmi les jeunes Neet, "davantage inscrits dans une démarche d’insertion professionnelle", des autres qui sont "inactifs". Une majorité de ces derniers "ne sont pas prêts à reprendre un emploi", la garde d'un enfant ou d'une personne dépendante étant un frein pour 36% des femmes sans emploi ni formation et pour seulement 1% des hommes. Les jeunes hommes Neet ne souhaitant pas travailler évoquent à l'inverse plus souvent un problème de santé (26% contre 14% des femmes).

Les plus éloignés de l'emploi : les jeunes mères et les non-diplômés

À cette diversité de profils parmi les jeunes Neet, correspond une "forte hétérogénéité" des ressources et des conditions de vie, à laquelle l'Injep s'est intéressée à partir de l'enquête nationale sur les ressources des jeunes de 2014. A partir des diplômes, des situations vis-à-vis du travail ou de la reprise d'études et de la présence d'enfants à charge, l'Injep propose cinq types de Neet de 18 à 24 ans.

Représentant 16% de l'ensemble, les "nouvellement diplômés du supérieur en recherche d’emploi" sont dans une situation jugée "favorable" vis-à-vis du marché de l'emploi. 70% d'entre eux cherchent du travail depuis moins d'un an et ils ont disposé en 2014 de 7.700 euros de ressources en moyenne, dont près de 4.000 euros issus de revenus de travail et un peu plus de 2.300 euros d'aides des parents. Deuxième catégorie pesant pour 19% des Neet : les "bacheliers recherchant des 'petits boulots' en attente de reprise d’études". Disposant de 5.680 euros de ressources en moyenne, ils sont les plus nombreux (79% d'entre eux) à envisager la reprise d'études.

Troisième profil identifié : les "mères éloignées du marché du travail", qui représenteraient 14% de l'ensemble. Il s'agit principalement de jeunes parents (88%), ou de personnes vivant en couple et ne cherchant pas de travail, majoritairement des femmes (86%) peu diplômées. Ce sont les Neet qui ont disposé du plus de ressources en 2014, 8.470 euros en moyenne, dont 79% de prestations sociales, mais aussi ceux qui vivent le moins souvent chez leurs parents (14%). Les "diplômés de l’enseignement professionnel au chômage de courte durée" correspondraient à 31% de l'ensemble des Neet, soit le groupe le plus important. Majoritairement titulaires d'un CAP, BEP ou bac professionnel, ils sont les plus nombreux (81%) à avoir travaillé dans l'année et ont disposé en moyenne de 6.710 euros de ressources en 2014.

Enfin, la dernière catégorie est celle des "sans diplôme éloignés de l’emploi" (20% de l'ensemble), les "Neet les plus vulnérables selon l'Injep". Ils n'ont majoritairement jamais travaillé (77% d'entre eux) et cherchent pourtant activement du travail, certains (54%) depuis plus d'un an. 27% d'entre eux sont "limités dans leur autonomie par un problème de santé". Sans aucun diplôme pour 70% d'entre eux, ils n'ont eu en moyenne que 2.810 euros de ressources en 2014 et sont les plus nombreux (91%) à vivre chez leurs parents. Leur "situation très défavorable sur le marché du travail (…) n’est compensée ni par les aides sociales ni par les revenus de parents eux-mêmes en difficulté", observe l'Injep qui appelle à mieux prendre en compte les "spécificités de ces personnes" dans le ciblage des politiques jeunesse.