Le commerce fait-il l’urbanisme ?

Gare du Nord (Paris), le 11 janvier 2019 ©AFP - ERIC PIERMONT / AFP
Gare du Nord (Paris), le 11 janvier 2019 ©AFP - ERIC PIERMONT / AFP
Gare du Nord (Paris), le 11 janvier 2019 ©AFP - ERIC PIERMONT / AFP
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De la rénovation de la gare du Nord au projet Europacity, l'alliance du public et du privé au profit du commerce, ou le gigantisme est-il l'avenir de nos villes ? On en parle avec Patrick Bouchain, architecte et scénographe, et Albert Levy, architecte et urbaniste.

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Il a signé la tribune de 19 architectes et urbanistes contre la transformation de la gare du Nord. Un projet prévu pour les Jeux olympiques de 2024, et qui doit, selon ses défenseurs, faire de ce lieu emblématique de Paris l’une des plus belles gares d’Europe.     

Une rénovation née de l’association de la SNCF avec un groupe privé, Auchan (via sa filiale Ceetrus), et qui n’est pas du goût de tout le monde. C’est ce que montre la tribune signée le 3 septembre 2019 dans le journal Le Monde. Dénonçant notamment la suppression d’accès directs aux quais au profit d’espaces de commerce, ce collectif d’urbanistes et d’architectes, parmi lesquels Roland Castro, Marc Barani ou Bruno Fortier, rappelle l’importance nodale et patrimoniale de la gare du Nord, qui figure à l’inventaire des Monuments historiques, et souligne que des rénovations tout aussi efficaces mais moins coûteuses étaient possibles.

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Patrick Bouchain figure parmi ces signataires. Architecte et scénographe, Grand Prix de l'urbanisme 2019  et titulaire d’une chaire à l’école de Paris-Belleville, il est le co-fondateur de l’ agence Construire et le promoteur d’une vision antilibérale et écologique de l’architecture. Sa philosophie prône ainsi d'aligner architectes, ouvriers et habitants au même niveau d'investissement et de participation dans la fabrication des projets. 

La densité ne fonctionne que s’il y a des vides. La puissance publique possède des propriétés foncières qui doivent être conservées pour garder des vides. La densification de la gare du Nord va avoir des effets négatifs : il va falloir alimenter le centre commercial en marchandises, ce qui suppose beaucoup de camions. Ce sont les riverains qui vont subir les nuisances.        
(Patrick Bouchain)

"On ne peut pas dire qu’on va construire 50 000m2 de commerces qui seront climatisé et que ça sera compensé avec une toiture végétalisé. Les emplois qui seront créé seront des emplois dégradés dévalorisés. On pourrait à Gonesse développer des emploi agricoles qui sont des emplois valorisés."

Une revendication qui se traduit notamment par l’installation de permanences architecturales sur les chantiers, des lieux ouverts et accessibles aux visites et aux riverains qui, de cette manière, acquièrent une meilleure visibilité. Aujourd’hui retraité, il a participé à la rédaction du "permis de faire", censé valoriser l'obligation de résultat plutôt que l'utilisation de recettes légales. Avec “ La preuve par 7“, un projet expérimental sur sept échelles de territoires, il met en place des ateliers de réflexion réunissant plusieurs intervenants (maires, habitants, étudiants…). Parmi ces projets, celui piloté par l'association R.E.R (Réseau d'échanges et de restauration) pour investir l'espace commercial vacant de la gare de Garge-Sarcelles, dont la cuisine centrale a été fermée en 2016, à la suite d'un appel à projets lancé par la SNCF. 

La Théorie
4 min

A ses côtés, l’architecte et urbaniste Albert Levy, auteur d’une tribune au Monde dénonçant les incohérences d’un Etat qui soutient le projet Europacity. Une ville est dirigée par un représentant qui est  élu par des citoyens. Qui dirigera Europa City  ? 

Le projet Europacity est mené par le même opérateur que celui de la gare du Nord. Il faut se demander si ce n’est pas là une opération de destruction de la ville démocratique.      
(Albert Levy)

Visant les très convoitées terres arables du « triangle de Gonesse » (Val-d'Oise), entre le Bourget et Roissy-Charles-de-Gaulle, ce projet de 3,1 milliards d'euros est, encore une fois, porté par Ceetrus, la foncière du groupe Auchan, et par le conglomérat chinois Wanda. Censé créer de nouveaux emplois, il est taxé de  “gigantisme” par ses détracteurs, lesquels dénoncent aussi la fragilisation du commerce de proximité et l’impact environnemental de cette bétonisation. Première étape contestée de ce projet annulé  à deux reprises mais soutenu par l’Etat, la construction d'une gare de métro du Grand Paris Express d’ici à 2027.

La Grande table
27 min

Extraits sonores : 

  • Les gares aussi veulent être dans le vent (Les Actualités Françaises, 22/11/1966)
  • EuropaCity : une guerre des mondes (France Culture, Les pieds sur terre, 07/03/2019)
  • Sur la présentation du projet Europacity (France 3, Paris IDF,  05/04/2018)
  • Jean Rigaud, vice-président de la Communauté urbaine de Lyon, à propos des nouvelles options d'urbanisme (Antenne 2, 13/12/1979)

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