Växjö, ville durable depuis quarante ans

Marjolaine Koch

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Växjö, ville durable depuis quarante ans

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Touchée très tôt par une pollution excessive, la commune suédoise de Växjö a mis en place des actions pour limiter son impact sur l’environnement dès les années 1970, devenant ainsi l’une des villes les plus durables au monde.

C’est une ville moyenne comme il y en a tant. Située au sud de la Suède, Växjö a grandi avec l’industrialisation du XXe siècle. Développement d’industries, de l’agriculture… la région est attractive. Mais dès les années 1970, la commune remarque qu’il ne sera pas viable de continuer sur cette lancée. Les sols sont pollués, les lacs voisins dégèlent de plus en plus vite, les eaux, elles aussi de plus en plus polluées, contribuent à la raréfaction de la faune et de la flore. S’ajoutent à cela les crises pétrolières de cette période : les compagnies locales sont durement impactées, alors qu’au même moment, les élus se questionnent sur le soin à porter à leur environnement.

Dès 1980, une usine biomasse

Sans attendre, ces derniers entament des démarches pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dès 1980, la ville de Växjö construit une centrale électrique biomasse. C’est l’exploitation forestière locale qui alimente la centrale avec ses déchets bois. Les propriétaires de forêts fournissent branchages, sciures de bois, écorces et en tirent un revenu supplémentaire. Ces déchets sont brûlés, la vapeur d’eau provoquée par la combustion actionne la turbine et génère du courant. Avec ce système, la centrale alimente aujourd’hui 90 % des habitants en chauffage et en eau chaude. Et pour compenser les émissions de CO2 de la centrale, la municipalité plante chaque année de nouveaux arbres.

La municipalité commence toujours par déneiger les 150 km de pistes cyclables

Chaque habitant est aussi incité à réduire ses émissions à son niveau, au moyen de plusieurs mesures : des aides financières pour l’achat de véhicules électriques, qui donnent également l’accès au stationnement gratuit en ville, des subventions pour installer des panneaux solaires sur son toit et pour les fonctionnaires, un vélo gratuit pour se rendre au travail. D’ailleurs, pour favoriser la mobilité douce, la municipalité commence toujours par déneiger les 150 kilomètres de pistes cyclables avant les axes routiers !

Depuis le 1er janvier, une loi climatique ambitieuse en Suède
Le gouvernement doit, depuis la loi-cadre entrée en vigueur cette année, mener une politique en accord avec les objectifs climatiques adoptés par le Parlement. Son objectif est de parvenir ainsi à respecter les engagements pris par la Suède lors de l’accord de Paris signé en 2015. Selon la ministre du Climat Isabelle Lövin, cette loi-cadre, première en son genre, va contraindre les entreprises et les sociétés à la transition écologique. C’est ce qui devrait permettre au pays d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2045.
Chaque année, le gouvernement devra rendre compte au Parlement de ses choix budgétaires au regard de la lutte contre le réchauffement climatique. Ensuite, tous les quatre ans, il devra présenter un plan d’action garantissant la cohérence des actions. Un Conseil du climat constitué d’experts indépendants est chargé du contrôle.
Cette loi-cadre s’ajoute à une taxe carbone la plus élevée au monde. Lors de son introduction en 1991, elle s’élevait à 24 euros. Aujourd’hui, elle atteint 114 euros. Si les augmentations successives n’ont pas provoqué de manifestations, c’est aussi grâce à une communication claire et formelle sur l’utilisation faite de cet argent. En 2002, 25 % des Suédois seulement étaient favorables à cette taxe. Aujourd’hui, ils sont 45 % alors que la taxe a presque doublé.

Le verrou de la voiture

Côté construction, les règles édictées par la ville sont plus strictes que les normes nationales. Ainsi, la consommation énergétique est 30 à 40 % inférieure à la législation pour tout nouveau bâtiment. Le bois doit également être privilégié, la mairie elle-même s’étant imposé comme règle de bâtir au moins 50 % de ses nouveaux bâtiments dans ce matériau d’ici 2020.

Reste un verrou : la sacro-sainte voiture. Malgré le développement des pistes cyclables, malgré des transports en commun conséquents – et roulant au biogaz produit par le recyclage des déchets organiques des habitants – l’usage de la voiture reste prépondérant. Même en ayant pris le sujet à bras-le-corps dès les années 1970, Växjö n’a pas totalement échappé à l’étalement urbain. Petit exploit tout de même : un foyer sur deux seulement possède une voiture.

Petit exploit : un foyer sur deux seulement possède une voiture

Outre les participations financières destinées à inciter les habitants à se tourner vers des modes de déplacement doux, la ville a choisi d’augmenter fortement les taxes sur les énergies fossiles et, en contre-pied, de réduire les taxes sur tous les types d’énergies renouvelables.

Une collaboration étroite avec les ONG

En 1995, la municipalité de Växjö prit la décision de travailler avec la plus grande ONG environnementale de Suède, la société suédoise pour la protection de la nature (Swedish Society for Nature Conservation – SSNC). Avec cette collaboration, les élus souhaitaient vérifier le bien-fondé des actions qu’ils entreprenaient. Concrètement, de nombreuses tables rondes furent organisées, où se retrouvaient ONG, entreprises et citoyens. Chacun pouvait faire part de ses idées et alimenter ainsi ce qui deviendrait l’Agenda 21 local. Cette coopération devait durer trois ans au départ, elle s’est finalement installée dans le temps.

La ville est parvenue à réduire de 58 % ses émissions de CO2 en 20 ans

Avec ce dispositif conséquent, la ville est parvenue à réduire ses émissions de dioxyde de carbone de 58 % entre 1993 et 2016, ce qui représente un passage de 4,5 tonnes à 1,9 tonne par habitant et par an. La moyenne internationale, elle, tourne plutôt autour de 5 tonnes par habitant et par an… avec de tels résultats, la ville a décroché le statut de ville pionnière pour ses politiques énergétiques vertueuses. En 2007, le prix « Énergie durable pour l’Europe » a été décerné à la ville par la Commission européenne, pour récompenser ses infrastructures innovantes et ses travaux de recherche sur le biocarburant. Växjö, par ses nombreuses démarches, révèle la capacité d’une collectivité à agir à son niveau pour changer la donne. Si, bien sûr, les édiles Français n’ont pas la main sur les taxes, beaucoup d’autres critères, dont l’élaboration de cahiers des charges restrictifs lors de nouvelles constructions, restent valables.

Un exemple à suivre ?

Stockholm, l’autre exemple suédois
Elle est la première ville à avoir décroché le titre de Capitale verte européenne. Stockholm, en quelques années, est devenue une ville cyclable par excellence, déployant un vaste réseau pour privilégier ce mode de déplacement, combiné à la mise en place d’un péage pour les automobilistes. Un panel de comités Agenda 21 et des comités d’experts appliquent des méthodes scientifiques au développement de la ville, dont le but est de respecter au maximum le développement durable et de limiter les émissions de CO2. Ainsi, chaque programme d’urbanisme débute par un écobilan et des analyses de cycle de vie, afin de privilégier les solutions les moins impactantes.

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