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Joël Fourny, président de CMA France : "C’est maintenant que se joue la relance durable de l’économie de proximité"

Pour favoriser la transmission des activités artisanales et commerciales, le plan destiné aux indépendants présenté par Emmanuel Macron le 16 septembre 2021 prévoit la possibilité de déduire fiscalement l'amortissement des fonds de commerce acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023. La mesure, contenue dans le projet de loi de finances pour 2022 qui sera examiné par l'Assemblée nationale à partir du 11 octobre, est "bénéfique pour faciliter les prises de décision et sauter le pas", estime le président de CMA France, Joël Fourny. Selon lui, 300.000 entreprises artisanales seront à reprendre chaque année dans les dix ans qui viennent.

Localtis : En quoi le dispositif de déduction des amortissements prévu par le projet de loi de finances répond-il aux attentes des artisans et commerçants ?

Joël Fourny, président de CMA France : C’est un sujet sur lequel les chambres de métiers et de l'artisanat sont fortement mobilisées pour répondre aux enjeux de la transmission. On estime à 300.000 le nombre d’entreprises artisanales à reprendre dans les dix ans à venir, soit entre 30 et 40.000 entreprises à reprendre chaque année. 
Aujourd’hui, les règles fiscales en vigueur ne permettent pas de déduire du résultat imposable les amortissements comptabilisés. La mesure prévue par le projet de loi de finances autorise temporairement la déduction fiscale de ces amortissements pour les fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023. Ce dispositif permettra ainsi de réduire le coût de la reprise d’une entreprise et de rendre les opérations de rachat de fonds commerciaux existants plus attractives pour les entrepreneurs. Concrètement, la mesure proposée permettra une économie d’impôt. C’est donc une mesure bénéfique pour faciliter les prises de décision et sauter le pas.

Y avait-il d'autres demandes de votre part qui ne sont toujours pas prises en compte dans ce projet de loi de finances ?

Oui. C’est un sujet récurrent mais, depuis la disparition du Fisac*, nous demandons une véritable politique nationale de l’artisanat qui soit traduite dans le projet de loi de finances. Dans nos propositions pour la relance, nous demandons la création d’un fonds national de soutien à l’artisanat de proximité consacré aux investissements liés à la modernisation des outils de production et de commercialisation (digitalisation), à la rénovation et la mise aux normes et à l’accessibilité des locaux. Le dispositif consacré au soutien des projets de réimplantation et de modernisation de l’artisanat porté par les foncières dans les territoires fragiles répond partiellement à ces objectifs. Un fonds dédié au soutien à l’artisanat permettrait d’avoir un impact plus ambitieux que les 6.000 locaux artisanaux et commerciaux visés par le dispositif "100 foncières"**. Nous pensons également qu’il faut rendre les aides à l’innovation plus accessibles aux TPE et PME, notamment artisanales, et pour cela les chambres de métiers et de l’artisanat ont un rôle à jouer pour aider ces petites entreprises qui ne disposent pas de bureaux d’études.

Que pensez-vous du plan destiné aux indépendants présenté le 16 septembre par le chef de l'Etat ?

Attendu depuis longtemps par les artisans, le plan en faveur des indépendants est une bonne initiative. Il fallait en particulier limiter le risque d’entreprendre pour les indépendants. Le réseau des CMA avait fait des propositions, notamment sur le sujet de la transmission. Les orientations données vont dans le bon sens et répondent aux problématiques soulevées par les artisans. Il faut dire que les mesures tombent à point nommé car c’est maintenant que se joue la relance durable de l’économie de proximité et l’avenir des entreprises artisanales. Je rajouterai qu’au-delà de la sortie de crise, la force de ce plan pour les indépendants est de permettre aux entreprises artisanales d’évoluer désormais dans un environnement fiscal/social et réglementaire adapté à leur taille ce qui n’était pas le cas auparavant. Ce plan est une réforme en profondeur de leur environnement.

Quelle est la situation actuelle des artisans ?

L’artisanat a montré sa capacité de résilience durant cette crise, les dispositifs de secours mis en place par le gouvernement ont bien fonctionné. Aujourd’hui, l’heure est à la relance de notre économie et elle ne se fera pas sans l’artisanat ! La majorité des artisans sont confiants et sortent de l’été avec l’opinion que leur situation économique est plus solide : 77% des artisans estiment que leur situation va se stabiliser voire s’améliorer dans les six prochains mois (étude Qualitest/CMAFrance). Et ils sont 36% à avoir une bonne, voire excellente, opinion sur la situation économique de leur entreprise : soit +7,3 points comparé à mai 2021. Sur le sujet des défaillances, si le nombre de radiations d’entreprises artisanales était inférieur de 5 à 10% en 2020, cette année la tendance s’inverse, puisque sur le seul premier semestre, nous relevons déjà autant de radiations d’entreprises artisanales que pendant toute l’année dernière. Cela s’explique notamment par le rattrapage mais aussi le raccourcissement du délai de la prise de décision de radiation. Je note tout de même un point positif : le nombre d’immatriculations au premier semestre 2021 est nettement en hausse par rapport à 2020, de telle sorte que le solde de créations nettes au seul premier semestre 2021 atteint 31.500 entreprises.

 

* Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) a disparu en 2019, l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) étant censée prendre le relais du soutien à l'artisanat et au commerce.

** Le déploiement de 100 foncières partout en France, avec l'aide de la Banque des Territoires, est prévu pour rénover 6.000 petits commerces sur cinq ans.