Les Français et leur région

À l’occasion du Congrès des régions de France, la Fondation Jean-Jaurès est partenaire de l’enquête de l’Ifop pour Régions de France. Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, en tire les grands enseignements.

Le souhait des citoyens et la volonté des régions semblent converger. Après un quinquennat marqué par des incompréhensions récurrentes entre l’État et les collectivités locales, après une série d’élections caractérisées par un taux d’abstention inédit, après tant de dossiers dont on a pu mesurer les difficultés de bien les traiter au niveau central, il apparaît aujourd’hui indispensable de renforcer le rôle, les pouvoirs et les responsabilités des régions. Telle est la ligne directrice de l’analyse qui peut être faite de l’enquête réalisée par Régions de France.

Premier enseignement majeur : les régions sont bien plus profondément ancrées dans l’opinion que ce que l’on croit généralement

L’idée d’une distance des Français par rapport à la région est aujourd’hui communément partagée – idée alimentée par le taux d’abstention aux élections régionales de 2021, expliquée parfois par la perte d’identité liée au redécoupage ou plus souvent par l’absence d’identification des compétences régionales.

L’enquête réalisée par l’Ifop vient très largement contrebattre cette idée reçue.

En premier lieu, le sentiment d’appartenance régionale est loin d’être négligeable. Certes, lorsqu’il s’agit de définir leur appartenance première, les Français privilégient sans surprise la commune ou la nation. Mais, alors même que le département est une institution plus que bicentenaire, les Français sont légèrement plus nombreux à se définir d’abord par leur appartenance régionale – les chiffres étant même spectaculaires dans des régions comme la Corse ou la Bretagne.

En deuxième lieu, le niveau de connaissances est éloquent – et bien plus élevé que ce que révèlent beaucoup d’autres enquêtes sur les connaissances des Français.

  • Tel est le cas d’une part des compétences : les Français attribuent majoritairement aux régions la compétence sur les lycées, la mobilité, la formation ou l’emploi – et, inversement, ne se trompent guère sur les compétences qui ne relèvent pas des régions.
  • Tel est le cas d’autre part de l’identité des présidents de région : alors que la question posée concernait la notoriété spontanée1La notoriété spontanée consiste à demander si la personne interrogée connait correctement le nom du responsable d’une institution ; la notoriété assistée consiste à lui proposer plusieurs noms., le taux moyen de bonnes réponses est élevé – et même supérieur à 50% dans de nombreuses régions.

En troisième lieu, et surtout, la confiance relative dans les régions est massive lorsqu’elle est confrontée à celle de l’État :  les trois quarts des Français déclarent en effet faire davantage confiance aux premières qu’au second.

Second enseignement majeur : une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les régions apparaît plus nécessaire que jamais

C’est une nécessité en termes de politiques publiques.

Il y a en effet non seulement une demande de décentralisation – les deux tiers des Français considérant que l’État ne laisse pas assez de pouvoirs aux régions, aux départements et aux communes – mais, il y a, plus précisément encore, une demande de régionalisation – qu’il s’agisse de la préservation de l’environnement, du retour à l’emploi des chômeurs ou de l’accompagnement des projets de développement des entreprises ou même de l’équité de l’accès aux soins.

C’est une nécessité aussi en termes de démocratie. L’enquête témoigne de ce que l’abstention n’était pas une abstention de défiance mais une abstention d’indifférence – notamment liée à la difficulté à saisir l’enjeu politique de l’élection. Pour répondre à ce défi, on voit que les Français considèrent que l’extension des pouvoirs des régions aurait pour effet de les inciter à voter davantage.

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    La notoriété spontanée consiste à demander si la personne interrogée connait correctement le nom du responsable d’une institution ; la notoriété assistée consiste à lui proposer plusieurs noms.

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