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Déplacements : plus l'espace public est rare, mieux il est partagé entre les différents modes

Selon une étude sur les parts modales et le partage de l'espace dans les grandes villes françaises réalisée pour le compte de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), Paris, Lyon, Grenoble, Rennes et Strasbourg sont les villes où l'on se déplace le plus à pied, à vélo et en transports en commun. C’est là où l’espace est le plus rare qu’il est le mieux partagé en faveur des alternatives à la voiture, souligne aussi l'étude.

Dans une étude inédite réalisée pour le compte de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) et présentée ce 2 juillet, Bruno Cordier du cabinet Adetec a passé au crible les parts modales des déplacements (marche, vélo, transports en commun, voiture et autres) à partir des données disponibles et comparables sur 47 villes, 44 pôles urbains et 36 aires urbaines, en procédant à une analyse à cinq échelles - ville-centre, banlieue, pôle urbain, couronne périurbaine, aire urbaine. En moyenne, l'étude confirme - sans surprise - une forte hausse de l’usage de la voiture quand on s’éloigne des villes-centres et que les pratiques modales des banlieusards sont plus proches de celles des périurbains que des habitants des villes-centres.
Par taille de ville, Paris affirme sa singularité avec une part de la marche (52,3%) et des transports collectifs - métro, tramway, RER et bus (31,9%) qui se situent à des niveaux records - preuve que marche et transport collectif ne sont pas concurrents mais complémentaires sur les courtes distances, souligne la Fnaut - et une part de la voiture de 12,8% seulement, tandis que les grandes métropoles (Lyon, Lille, etc.) font mieux que les autres grandes villes en termes de répartition modale des déplacements de leurs habitants (39,3% seulement pour la voiture et autres véhicules motorisés). Outre que l’usage de la voiture y est moins facile, elles ont aussi "mis en œuvre des politiques de mobilité plus ambitieuses et depuis plus longtemps", analyse la Fnaut. 
A l'échelle des banlieues et couronnes périurbaines, la forte singularité parisienne demeure – l'usage de la voiture (43,5%) reste inférieur aux autres modes cumulés -, mais de manière moins marquée que pour les villes-centres. L'étude note aussi moins de différences entre les grandes métropoles et les autres grandes villes et montre que les politiques de mobilité restent encore largement à développer en dehors des villes-centres.

Villes-centres

Parmi ces dernières, les cinq premières en termes de part cumulée de la marche, du vélo et des transports collectifs sont Paris (87% des déplacements), Lyon (73%), Grenoble (68%), Rennes (67%) et Strasbourg (64 %). Pour la marche, on trouve juste derrière Paris, déjà citée, Nancy (45%), Lyon et Nice à égalité (44 %), juste devant Rouen (43%). Pour le vélo, Strasbourg arrive en tête (9%), devant Orléans et Bordeaux, qui font jeu égal (6,5%), suivies de Grenoble (5,5%) et de Rennes (4,5%). Pour les transports collectifs, on trouve assez loin derrière Paris, déjà citée, Lyon (26%), Toulouse (21%), Grenoble (20%) et Nantes (19%).
A l'opposé du classement, on trouve les "petites grandes villes", comme les appelle Bruno Cordier. Les cinq dernières pour la part cumulée des modes vertueux (marche, vélo, transports collectifs) dans les déplacements sont Pau (37%), Bayonne et Troyes (35% chacune), Dunkerque (34%) et Saint-Nazaire (33%). Pour la marche, le peloton de queue est formé de Pau (29%), Dunkerque (27%), Bayonne (26%), Troyes (26%) et Saint-Nazaire (24%). Pour le vélo, les parts modales à Toulon, Clermont-Ferrand, Marseille, Limoges, Saint-Etienne (lanterne rouge) sont comprises entre 0,9% et 0,3%. Quant à la part des transports collectifs, elle est de seulement 5,5% à Thionville, 5% à Douai, 4,5% à Pau, 4% à Lens et 3,5% à Béthune.

Pôles urbains

Au niveau des pôles urbains, les cinq premiers pour la part cumulée de la marche, du vélo et des transports collectifs pour les déplacements des habitants sont Paris (63%), Rennes (57%), Strasbourg (55%), Lyon et Besançon à égalité (52%). Pour la marche, Paris (40%) devance Besançon et Rennes, à égalité à 37%, suivies d'Amiens (35%) et Le Havre (34%). Pour le vélo, Strasbourg arrive encore en tête (7,5%) devant Orléans (5,5%), Rennes (4%), Bordeaux et Grenoble (3,5% chacune). Les cinq premiers pour les transports collectifs sont Paris (21%), Lyon (17%), Rennes (16%), Grenoble et Nantes (15% chacune).
Les cinq derniers pour la part cumulée de la marche, du vélo et des transports collectifs pour les déplacements des habitants du pôle urbain sont Troyes (32%), Saint-Nazaire, Béthune et Pau à égalité (27%), suivies de Bayonne (22%). Pour la marche, on trouve en bas du classement Bordeaux (22%), Béthune (21%), Saint-Nazaire et Pau à égalité (19%) suivies de Bayonne (16%). Pour le vélo, les cinq derniers sont Thionville, Clermont-Ferrand, Marseille, Limoges et Saint-Etienne avec des parts modales qui se situent entre 0,8% et 0,2%. Pour les transports collectifs, Toulon et Saint-Nazaire (à égalité, à 5%), suivies de Bayonne (4,5%), Pau (4%) et Béthune (3,5%) ferment le ban.

Aires urbaines

A l'échelle des aires urbaines, les cinq premières pour la part cumulée de la marche, du vélo et des transports collectifs dans les déplacements de leurs habitants sont Paris (59%), Lyon (46%), Rennes et Strasbourg à égalité (44%), Nancy (42%). Pour la marche, on retrouve Paris (38%) devant Nice (32%), Le Havre, à égalité avec Nancy et Rennes (31%). Pour le vélo, Strasbourg décroche encore la première place (6%) et Orléans la deuxième (4%), suivies de Bordeaux (3,5%) et Montpellier et Rennes, à égalité (2,5%). Pour la part des transports collectifs, les cinq premières aires urbaines sont Paris (19%) devant Lyon (14%), Toulouse, Grenoble et Nantes à égalité (12%).
Les cinq dernières aires urbaines pour la part cumulée de la marche, du vélo et des transports collectifs dans les déplacements de leurs habitants sont Poitiers (29%), Béthune (27%), Limoges à égalité avec Saint-Nazaire (26%) et Bayonne (20%). Pour la marche on trouve Béthune (21%) Toulouse et Bordeaux à égalité (20%), Saint-Nazaire (18%) et Bayonne (15%). Dans le bas du classement pour le vélo figurent Clermont-Ferrand, Metz, Rouen, Marseille et Saint-Etienne, avec des parts modales entre 0,8% et 0,4%. Pour les transports collectifs, Dunkerque, à égalité avec Toulon et Chambéry (5%), suivies de Bayonne (4,5%) et Béthune (3,5%) occupent les cinq dernières places.

L'effet tramway ou métro sur l'usage des transports collectifs

En termes d'usage des transports collectifs, les villes-centres les mieux classées possèdent toutes un réseau de métro ou de tramway, souligne la Fnaut. 
A contrario, Toulon obtient un mauvais score alors que sa ville-centre et son agglomération sont favorisées par leur structure linéaire. Selon Jean Sivardière, le vice-président de la Fnaut, cela tient au fait que l'équipe municipale dirigée par Hubert Falco cherche toujours à imposer un bus à haut niveau de service (BHNS) "alors que le tramway est mieux adapté à la ville par sa capacité, et ouvre des perspectives autrement plus ambitieuses de report modal : quand on remplace une ligne de bus ordinaire par un BHNS, le trafic augmente en moyenne de 30 à 40% ; quand on le remplace par un tramway, le trafic augmente de 130%", souligne-t-il en référence à une autre étude commandée par la Fnaut au consultant Jean-Marie Beauvais.

13m² par habitant d'espace public affecté à la mobilité à Paris contre 59 m² à Saint-Nazaire

Pour pouvoir évaluer le partage de l'espace, l'exercice a été particulièrement ardu pour Adetec, seules deux métropoles (Lyon et Lille), 3 villes (Paris, Saint-Nazaire et Troyes) et Avignon pour son cœur historique disposant de données sur les espaces publics de surface (parkings et voies privées ouvertes à la circulation publique inclus) complètes ou quasi complètes. Mais ces données sont conçues pour gérer et entretenir le patrimoine et ont dû être retravaillées - environ 2 millions de données ont ainsi été traitées ! L'étude montre ainsi que la part d’espace public affectée à la mobilité dans son ensemble varie de 13 m² par habitant à Paris à 59 m² par habitant à Saint-Nazaire, ville reconstruite après 1945. Mais ce sont les villes où l’espace est le plus rare - Paris, Lyon, Villeurbanne, Avignon intra-remparts - qui le partagent le mieux, souligne Bruno Cordier. 

Forte corrélation entre la part d'espace accordée à la marche et à la voiture et leur usage

Son étude fait aussi ressortir une forte corrélation entre la part d’espace accordée à la marche et à la voiture et l’usage de ces modes alors que cette corrélation est moindre pour les transports collectifs et surtout le vélo. Pour ce dernier, cela tient au fait que des communes lui affectant beaucoup d’espace en accordent aussi beaucoup à la voiture, analyse la Fnaut. Selon elle, leurs aménagements cyclables sont souvent davantage destinés aux loisirs qu’à la mobilité quotidienne et leurs habitants effectuent souvent des déplacements longs, donc difficiles à faire à vélo. Autre explication possible à ses yeux : la qualité et la continuité des aménagements cyclables, "qui laissent souvent à désirer".
Enfin, conclut l'étude, c'est l'enjeu du partage de la voirie dans les politiques de mobilité qui permettra aux banlieues et aux couronnes périurbaines de réduire les écarts avec les villes-centres en termes d'usages des modes de déplacement les plus vertueux.
 

 

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