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Villes moyennes : un regain d'attractivité à conforter

Réunies pour leur congrès annuel à Blois, les 8 et 9 juillet, le villes moyennes confirment leur regain d’attractivité. Sous le double effet du Covid et des retombées du programme Action Cœur de ville, elles attirent de plus en plus de jeunes cadres venus des grandes villes.

Le regain d’attractivité des villes moyennes observé l’an dernier en pleine crise sanitaire ne se dément pas. "Après un an et demi de crise sanitaire, grâce à la dynamique lancée par le programme Action Cœur de ville, mais aussi grâce à la dynamique lancée par les maires, l’attractivité des villes moyennes continue de se renforcer", se félicite Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de l’association Villes de France qui tenait son congrès annuel à Blois les 8 et 9 juillet. Un chiffre a marqué ces rencontres : 87% des Français disent préférer vivre dans une ville moyenne plutôt que dans une métropole. Soit une progression de trois points en un an. C’est ce qui ressort de la troisième édition du "baromètre des territoires" dévoilé à cette occasion. "La crise du Covid n’a pas fait émerger un monde d’après, elle a plutôt amplifié toute une série de tendances déjà à l’œuvre", a commenté Jérôme Fourquet, directeur du département "Opinion" de l’Ifop qui a réalisé ce sondage à la sortie du dernier confinement (entre fin mai et début juin, à partir d’un échantillon de 1.000 personnes et un "suréchantillon" de 500 habitants de villes moyennes) à la demande de Villes de France, de la Banque des Territoires et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). On constate "une nette prévalence de la volonté d’habiter dans les villes moyennes" qui touche en particulier les habitants des grandes agglomérations : 88% d’entre eux estiment que la qualité de vie est meilleure dans les villes moyennes. Selon lui, les villes moyennes ont "un atout majeur" : elles sont perçues comme le territoire le plus apte à s’adapter au changement climatique.

Volonté de déménager

Du fait de l’essor du télétravail, un tiers des actifs habitant dans les grandes villes envisageraient de déménager de leur logement actuel. Cette volonté de déménager progresse non seulement chez les jeunes actifs (+8 points, à 44%) mais aussi chez ceux qui sont les plus proches de le retraite (+16 points, à 20%). Surtout, 8% des actifs ont "tout à fait" l’intention de déménager. Ce qui, en extrapolant, représente 350.000 personnes. "Tous ne feront pas ce chemin mais cela donne une indication importante", estime Jérôme Fourquet. C’est toutefois un peu moins que l’an dernier puisque l’Ifop estimait alors que 400.000 personnes étaient susceptibles de quitter les métropoles. Mais pour Jérôme Fourquet, cela montre qu’une partie d’entre eux "ont peut-être déjà franchi le pas". "Des mouvements à prévoir dans les mois et années qui viennent. La carte de l’immobilier est en train de changer", assure-t-il. C’est en tout cas ce que semblent montrer les données notariales. En effet, dans un marché très dégradé en 2020 pour cause de Covid, les villes moyennes sont celles qui s’en sont le mieux tiré, tout particulièrement les villes du programmes Action Cœur de ville où les ventes ont continué de progresser (+12.870, après déjà une progression de 23.320 ventes entre 2018 et 2019), comme l’indique le dernier "baromètre de l'immobilier des villes moyennes" présenté le 15 juin par l’ANCT et le Conseil supérieur du notariat (voir notre article). Un dynamisme observé notamment à Moulins, Riom, Vernon ou Autun. Mais cet afflux a aussi fait grimper les prix (+ 7% depuis 2018 dans l'ensemble des villes moyennes), alors que le prix de l’immobilier est déjà un problème pour la moitié des habitants. Seulement 47% disent qu’il est accessible, une régression de 4 points en un an, selon l’étude de l’Ifop. Autre point négatif pour ces villes qui tentent de faire revenir des habitants dans leur centre : c’est encore la périphérie qui est privilégiée par les acheteurs. D’ailleurs les données de la FNSafer – qui elle aussi anticipe un "exode inversé" – montrent une progression de 6,6% des achats de maisons à la campagne en 2020 (voir notre article).

Autre bémol : le baromètre montre qu’un tiers des candidats au départ souhaitent rester dans la même ville ou à moins de 30 km (42%). Un quart des actifs souhaitent vraiment changer de région. Et parmi eux, la moitié conserveraient un logement dans leur ville actuelle et seraient donc des "birésidentiels". Comme l’a reconnu Jérôme Fourquet, le terme d’ "exode" est pour l'heure bien excessif.

Gérer cette nouvelle attractivité

Il n'empêche. Les élus doivent gérer cette nouvelle attractivité. Gil Averous, maire de Châteauroux (Indre) a pu constater l’arrivée de Franciliens, avec "deux publics différents". Des propriétaires d’un appartement parisien qui s’achètent une "très belle maison" ou des locataires qui, plus modestement, investissent dans une maison à faible coût en périphérie. L’agence d’attractivité de l’Indre cherche à "accompagner ces familles" et propose des prestations "très fines, famille par famille". "On personnalise au maximum", a insisté l’élu. Les nouveaux arrivants sont invités à rejoindre un "club entrepreneurs" au sein duquel ils peuvent échanger sur les besoins de recrutement, être mis en relation... "C’est très chronophage mais efficace, a insisté Gil Averous. Ce sont de nouveaux métiers pour nous. L'enjeu c'est d'éviter des re-départs."

Fontainebleau bénéficie pour sa part de la proximité de Paris : 40 minutes en train. "Il y a une pression démographique très forte dans tout le sud Seine-et-Marne, c’est l’ensemble de l’agglomération qui est concerné", a indiqué Frédéric Valletoux, le maire de Fontainebleau. Il voit ainsi arriver beaucoup de "télétravailleurs" qui se rendent une à deux fois par semaine à Paris. La mairie investit aujourd’hui dans l’immobilier de bureau, les tiers-lieux. Frédéric Valletoux se félicite aussi que l’université Paris Est Créteil ait décidé d’installer un deuxième site à Fontainebleau avec une capacité de 4.000 étudiants. Son objectif : fixer ces populations.

Encore beaucoup de difficultés

Le baromètre ne dépeint pas pour autant une situation idyllique. Les habitants des villes moyennes rencontrent beaucoup de difficultés : outre l’accès au logement déjà évoqué, c’est plus généralement le coût de la vie qui apparaît trop élevé (47%). Ils rencontrent des difficultés économiques (37%, malgré une baisse de 5 points), des difficultés d’accès à l’emploi (34% avec des pics à 54% chez les moins de 25 ans et 59% chez les plus pauvres) et d’accès aux soins (26%, en progression de 5 points). Certes, il y a l’effet Covid, mais "cette dégradation a également des racines plus profondes liées à la pénurie croissante de médecins et de paramédicaux dans de nombreux territoires", analyse l’Ifop. Or pour Frédéric Valletoux, également président de la Fédération hospitalière de France, "il faut être lucide, on va être confronté à un phénomène de pénurie qui va se poursuivre d’ici quelques années". Il a toutefois relevé la multiplication par 50 des actes de télémédecine pendant l’année de crise. Une solution qui, selon lui, peut être utile pour le suivi de beaucoup de maladies chroniques ne nécessitant pas forcément un contact physique.

Pour Caroline Cayeux, les villes moyennes ressortent confortées par le baromètre en tant que "pôles d’équilibre", "villes préfectures ou sous préfectures à taille humaine". "Elles ont une réelle capacité à être un trait d’union" entre les métropoles et les communes rurales, a-t-elle dit en conclusion de ce congrès. "Il faut poursuivre notre travail pour répondre aux attentes de nos habitants sur la question du logement, de l’emploi, car nous avons besoin d’entreprise, sur la question de la formation de proximité…", a-t-elle ajouté.

Les maires de villes moyennes attendent beaucoup du plan Action Cœur de ville dont la notoriété auprès des habitants progresse (il est connu par 80% de la population des villes bénéficiaires). L’annonce de sa prolongation jusqu’en 2026 par le Premier ministre jeudi (voir notre article) est un soulagement alors que les élus ont perdu dix-huit mois avec la crise.