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Essor des achats de maisons à la campagne : le début d’un "exode inversé" ?

Les achats de maisons à la campagne ont connu une hausse record de 6,6% en 2020, ce qui pourrait être l'amorce d'un "exode inversé", veut croire la FNSafer, qui publiait, le 27 mai, les résultats annuels des marchés fonciers ruraux.

Dopés par la "recherche d’espace, l’essor du télétravail, voire le changement de résidence principale", les achats de maisons à la campagne ont enregistré un "record" en 2020, avec une progression de 6,6%, soit 111.930 transactions, a indiqué la FNSafer, jeudi 27 mai, lors de la présentation des résultats annuels des marchés fonciers ruraux. Ces transactions se sont montées à 23,5 milliards d’euros (+12,1%) pour un lot moyen de 182.000 euros (+6,4%) et une moyenne de 5.620 m2 en moyenne. "Le durcissement des conditions d'accès au crédit n’a pas eu d’impact" sur les ventes, a relevé Loïc Jégouzo, ingénieur d'études. Les transactions ont connu un pic au mois de septembre (+37%).

Cette tendance semble conforter le "désir de campagne" relevé par plusieurs observateurs pendant la crise, notamment Jérôme Fourquet, directeur du département "Opinion" de l'Ifop dont le baromètre 2020 pour les Villes de France estimait à 400.000 le potentiel de citadins de grandes villes prêts à se mettre au vert (voir notre article). Pour le président de la FNSafer Emmanuel Hyest, la perspective d’un exode urbain n’est pas à exclure. "Nombreux sont nos concitoyens qui souhaitent aujourd’hui changer de lieu de vie et de façon de vivre, qui ont la volonté de quitter les grandes métropoles quelles qu’elles soient pour aller dans des villages et des villes moyennes", a-t-il commenté. "Je pense que cet exode inversé par rapport à ce qu'on a connu ces dernières dizaines d'années va être durable", a-t-il même assuré, observant que la tendance se confirmait en ce début d’année 2021. Rappelons que toutes les maisons de campagne ne passent pas sous le radar des Safer, seules sont comptabilisées les résidences adossées à une terre agricole ou à un espace naturel de moins de 5 hectares, libres de bail et acquises par des non-agriculteurs. Mais l'appétence des Français pour les maisons individuelles se traduit aussi dans les données de l'Insee. La hausse des prix dans l'ancien se poursuit : +5,9% l'an dernier, après +6,4% et +5,2%. Or "depuis le quatrième trimestre 2020, la hausse est plus marquée pour les maisons (+6,5% en un an au premier trimestre 2021) que pour les appartements (+5,1%), ce qui ne s’était pas produit depuis fin 2016", constate l'institut dans une note publiée le 27 mai.

"L'objectif n’est évidemment pas de faire la ville à la campagne"

Aucune région n’est épargnée par le phénomène, d'après la FNSafer : des départements situés en proximité (relative) des métropoles, comme la Saône, l’Yonne ou l’Orne. Mais aussi des département plus reculés, la Creuse, l’Aveyron ou la Haute-Saône. "On a des acquéreurs qui ont moins hésité à acheter un peu plus loin de là où ils habitent", a résumé Loïc Jégouzo. Autre indicateur intéressant : l’âge moyen des acquéreurs - 44 ans et 8 mois - a légèrement augmenté (+7 mois), ce qui dénote un profil d’acheteurs plutôt mieux installés dans la vie active, avec des revenus plus importants que par le passé. Pour Emmanuel Hyest, c’est une bonne nouvelle pour le développement des territoires ruraux. Ce sont des personnes qui ont choisi de changer de vie, "à la différence de ces dernières années, où l’on avait des gens rejetés par l’augmentation des prix en ville". "Est-ce qu’ils seront agriculteurs demain ? Pas sûr (…) Dans la majorité des cas, on souhaite vivre à la campagne, vivre différemment, mais on ne devient pas agriculteur", a-t-il commenté. Mais ils auront une consommation "directement accessible auprès des agriculteurs" et de nouveaux services "peuvent se développer très clairement". "A partir du moment où il y a de nouveaux services, cela va intéresser d’autres gens", a-t-il poursuivi. "Il y a vraiment quelque chose d’important qui se passe aujourd’hui en France", a-t-il assuré. A condition que le télétravail suive.

Seulement, Emmanuel Hyest n’élude pas les difficultés que peuvent engendrer ces nouveaux arrivants, comme l'ont montré certains faits divers retentissants. "L’objectif n’est évidemment pas de faire la ville à la campagne (…) Cela pourrait engendrer des conflits de voisinage ou autres. Ce serait défavorable à tout le monde."