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Relance : les maires de petites villes partagés entre espoir et craintes

La crise liée au Covid-19 n'a pas été sans effets sur les finances des villes de 2.500 à 25.000 habitants, mais une majorité d'entre elles ont réussi à préserver leurs marges de manœuvre, révèle une étude menée par l'Association des petites villes de France. En 2021, 60% de ces villes déclarent que leurs dépenses d'investissement sont en progression, ce qui augure leur participation à la reprise de l'activité économique. Mais l'avis de leurs responsables sur les modalités de mise en œuvre du plan de relance est très mitigé.

Alors que le gouvernement a déjà largement déployé le plan de relance et que les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont en préparation pour une signature d'ici fin juin, de nombreux responsables de petites villes – soit les communes dont la population est comprise entre 2.500 et 25.000 habitants – expriment un avis mitigé sur ces dossiers et font part d'une certaine perplexité. Sur les 145 édiles que l'Association des petites villes de France (APVF) a interrogés entre les mois de février et d'avril, seulement un quart jugent que les modalités de territorialisation du plan de relance sont claires. Les autres formulent un avis contraire, ou ne se prononcent pas sur la question.
Sur les CRTE, qui sont les instruments territoriaux du plan de relance, les responsables des petites villes faisant partie du panel sont là aussi dubitatifs. La méthode d'élaboration de ces contrats qui, à court terme, associent les territoires au plan de relance et, à plus long terme, ont vocation à regrouper l'ensemble des dispositifs de contractualisation entre l'Etat et les collectivités – dont Action cœur de ville et Petites villes de demain – pour mieux accompagner les collectivités dans leur projet de territoire, est jugée sévèrement. Moins d'un quart des personnes interrogées estiment que cette méthode est pertinente, tandis qu'a contrario, un petit tiers la considèrent comme non pertinente. Et un très grand nombre des répondants (45%) affirment qu'ils ne savent pas si la méthode des CRTE est pertinente. Ils pourront améliorer leurs connaissances et se forger un avis sur le dispositif en participant au webinaire que l'APVF organisera le 29 avril prochain, en présence du délégué interministériel aux CRTE, Jérôme Gutton. 

"Mieux associer les élus locaux au plan de relance"

Interrogés par ailleurs sur "la concertation avec l'Etat et la préfecture dans ce cadre", seulement un quart des responsables municipaux la jugent de bonne qualité. L'avis de la moitié des responsables des petites villes n'est guère flatteur pour l'Etat : ils considèrent la concertation "insuffisante" ou "inexistante". Un dernier quart des répondants ne se prononcent pas.
Il est fort probable que l'insatisfaction exprimée par les édiles des petites villes provienne de la volonté du gouvernement de privilégier la maille intercommunale pour l'élaboration et la signature des CRTE. "Beaucoup de maires regrettent d’être exclus à ce stade de la signature" des futurs contrats, "alors qu’une part essentielle des financements doit transiter" par eux, signalait mi-février l'Association des maires de France (voir notre article du 16 février). En outre, l'association jugeait "indispensable que l’Etat précise les moyens nouveaux qu’il met au service" des CRTE. "La communication actuelle est floue et peut laisser craindre de simples recyclages de crédits", dénonçait-elle. Les mêmes critiques figurent en filigrane dans les réponses des maires et directeurs généraux des services des petites villes.
L'APVF juge "très préoccupant" le "manque de visibilité et d'information" dont témoignent les dirigeants des petites villes. Ils révèlent un "défaut de perspectives", alors que les projets d’investissement ont besoin de démarrer rapidement, souligne l'association présidée par Christophe Bouillon, maire (PS) de Barentin. Face à ce constat, elle réaffirme qu'il est nécessaire de "mieux associer les élus locaux dans les comités régionaux et départementaux de pilotage et de suivi du plan de relance, ainsi que dans l’élaboration des CRTE.

Crise : une lourde épreuve pour 40% des répondants

D'après l'enquête, la mise en œuvre au 1er janvier dernier de la réforme de la fiscalité locale, liée à la suppression de la taxe d'habitation, génère, elle aussi, son lot d'incertitudes. Près de la moitié des petites villes interrogées signalent des "inquiétudes" ou des "difficultés" sur ce sujet, pointant par exemple le "manque de visibilité" sur l’évolution des bases et le montant de la compensation, l'insuffisante information des services de l’Etat, "la perte des marges de manoeuvre sur les taux", ou encore "la complexité du coefficient correcteur" appliqué au produit de taxe foncière départementale transféré aux communes.
Cette incertitude sur les ressources fiscales n'est pas propice à ce que les acteurs locaux investissent. D'autant qu'elle vient s'ajouter aux effets de la crise sanitaire. Mais celle-ci a affecté les territoires à des degrés divers. Si près de 60% des petites villes ayant répondu à l'enquête déclarent avoir pu absorber sans difficultés le choc de la crise en 2020, les autres affirment avoir été à la peine – certes seulement 5% ont pu y faire face "très difficilement". Dans ces conditions, une large majorité de petites villes ont vu leur capacité d'autofinancement – c'est-à-dire la part de leurs recettes de fonctionnement susceptible d'être affectée à l'investissement – se stabiliser ou même augmenter. Mais un peu plus du tiers ont subi une baisse de leurs marges de manœuvre financières.
Au total, la crise a plutôt épargné les budgets des petites villes : les trois quarts de celles qui ont été interrogées jugent leur situation "satisfaisante" financièrement, à la fin de 2020. C'est un bon point dans l'optique de la relance. 

Rebond de l'investissement en 2021 ?

Les choses ne semblent pas trop mal engagées en 2021. Certes, les surcoûts liés à la crise sanitaire se poursuivent pour plus des trois quarts des petites villes interrogées. Mais près des deux tiers affirment aussi que leurs recettes de fonctionnement sont stables ou en hausse cette année. En outre, les communes concernées reçoivent un coup de pouce de l'Etat, via la dotation exceptionnelle de soutien à l'investissement local (DSIL). Plus de 30% des 570 millions d'euros de la dotation engagés l'an dernier par l'Etat "ont été fléchés sur les petites villes", se félicite l'APVF. Selon des données de la direction générale des collectivités locales (DGCL), le taux de subvention moyen de l’Etat est d’environ 38,5% pour les petites villes, contre 24,5% au niveau global. C'est une autre satisfaction de l'association. Qui pointe toutefois une exception en outre-mer : la vingtaine de petites villes ultramarines qui ont bénéficié des crédits de la DSIL exceptionnelle en 2020 n'ont obtenu qu'1,9 million d’euros. 
Dans ce contexte, une majorité des petites villes pourraient être au rendez-vous de la relance : plus de 60% de celles qui ont participé à l'enquête affirment que leurs dépenses d'investissement sont en hausse en 2021 – les autres font état d'une stabilité ou d'une baisse. Il reste cependant à savoir quelle pourrait être l'ampleur du rebond qui se dessine. Rappelons que l'an dernier, l'investissement public local a plongé de près de 10%, selon Bercy.