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Énergies renouvelables locales : les ressources qu'on espère, les ressources qu'on exploite

Au Mené (Côtes-d'Armor) se dérouleront du 23 au 25 septembre des rencontres présentant les retours d'expériences de communes rurales pionnières dans la transition énergétique. En amont de l’événement est publiée une étude décryptant ce qu’apporte le fait de produire localement et de tirer des bénéfices des énergies renouvelables. Assorti de préconisations, il plaide pour l’émergence d’agences économiques territoriales, la poursuite du mouvement de transfert de compétences et moyens et un renforcement de la cohérence en matière de fiscalité énergétique.

Essentiellement nourrie par les réalisations des collectivités et acteurs pionniers du réseau des Territoires à énergie positive (Tepos), l'étude publiée à quelques jours du coup d’envoi des rencontres nationales Énergie et territoires ruraux, qui se dérouleront du 23 au 25 septembre au Mené (Côtes-d'Armor), "s’adresse avant tout à leurs pairs pour les inciter à passer à l’action". Ce réseau Tepos rassemble, pour rappel, une centaine de collectivités, majoritairement rurales, qui visent la couverture de leurs besoins énergétiques, après les avoir réduits au maximum, par les énergies renouvelables locales (objectif "100% renouvelables et plus"). L’auteur de l’étude, Yannick Régnier, les connaît bien puisqu’il coordonne ce réseau au sein du Cler (Réseau pour la transition énergétique), qui l’a vu naître en 2011.

Le Mené fait d’ailleurs partie de ses six territoires pionniers. Cette petite commune de 1?.300 habitants croit et mise de longue date sur le potentiel de ses ressources énergétiques locales. Plus globalement, l’auteur revient sur la "profonde mutation" des territoires ruraux dans le secteur de l’énergie. Certains en font un atout mais dans d’autres, quand cette force "n’est pas rapidement prise en main", l’énergie devient une "menace" pour ces territoires fortement consommateurs et vulnérables tant dans le secteur du logement que dans les déplacements". D’où l’intérêt d’une politique locale de l’énergie : "En son absence, chaque euro dépensé dans l’énergie quitte le territoire, appauvrissant non seulement les ménages, mais aussi tout le tissu économique local privé de ce flux financier." À l’opposé, il estime que pour un euro investi localement en fonds propres dans un projet endogène d’énergie renouvelable, "2,5 euros profitent au tissu économique local". 

Huit fois plus de valeur locale

Autrement dit, l'étude estime que huit fois plus de valeur locale est générée quand le projet est intégralement porté localement, en comparaison d'un portage externe. L’objectif de réduction de la facture énergétique territoriale et de couverture à terme de leurs propres besoins (autonomie énergétique) sont souvent mis en avant. "Mais ces territoires ruraux ont aussi intérêt à exporter leur production d’énergies renouvelables excédentaire pour bénéficier de nouveaux débouchés et augmenter la création de valeur locale", ajoute Yannick Régnier. Autre effet connu, dès que cette valeur générée par la production d’énergies renouvelables (EnR) est bien ancrée, les projets sont plus facilement "acceptés par le plus grand nombre : les commerçants locaux bénéficient d’une augmentation du pouvoir d’achat disponible, les communes de l’amélioration de leur situation financière, les habitants de la création de nouveaux services ou équipements collectifs, etc."

Pour maximiser les retombées territoriales des projets d’EnR et sachant que les recettes potentielles de ces projets ne prennent pas seulement la forme de loyers, de fiscalité mais aussi de revenus et d'emplois, l'auteur de l'étude conseille aux acteurs locaux d’intervenir "au plus tôt dans les projets, à la hauteur de leurs souhaits et en mutualisant leurs moyens, en partenariat avec des acteurs extérieurs si leur intervention est nécessaire, ce qui sera le cas le plus souvent". Tôt, c'est-à-dire ? Dès le financement des projets car "si un opérateur extérieur porte l'intégralité de l'investissement nécessaire à la valorisation d'une ressource énergétique locale, il capte ensuite l'essentiel de la valeur créée en phase d'exploitation".

Trio gagnant 

Cela nécessite une ingénierie de projet et d’animation, qu’il s’agit par conséquent de renforcer car elle est "la condition nécessaire pour faire vivre la transversalité et la coopération au sein des services et avec les acteurs, sans lesquelles la transition ne s’opérera pas". Et d’évoquer le "trio gagnant" formé d’un chargé de mission énergie-climat, d’un conseiller en énergie partagé et d’un conseiller info énergie.

Il faut aussi des compétences humaines "sur des enjeux plus sectoriels : rénovation de l’habitat, aménagement et urbanisme durables, écomobilité, accompagnement des acteurs économiques". Quant à l’ingénierie technique, juridique et financière, s’il conseille de la mutualiser "au plus près des territoires", par exemple via des structures tierces telles que les agences locales de l’énergie, syndicats d’énergie ou parcs naturels régionaux (PNR), c’est "pour susciter et intervenir en amont des principales décisions". Pour des aspects plus spécialisés, "l’appui d’une ingénierie portée par les services de l’État est utile en complément et, dans tous les cas, une (petite) équipe en interne à la collectivité est indispensable pour mobiliser ces compétences et coordonner leur intervention". 

L’idée serait aussi de structurer des "agences économiques territoriales". Portées par "une gouvernance multi-acteurs intégrant les collectivités, les acteurs économiques, leurs représentants et orientée statutairement vers l’intérêt général", ces agences pourraient "assumer un rôle d’architecte de la stratégie de transition sous l’angle économique", mettre en synergie une multitude d’initiatives et ces relations de coopération entre différents types d’acteurs. Dans le même esprit, Yannick Régnier suggère de créer une fonction de "développeur économique territorial". Et plus largement d’instaurer, pour réellement favoriser l’action des territoires, un cadre national dont l’amélioration, "déterminante, doit être recherchée en tout premier lieu par l’État". Le traumatisme de l'abandon des Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) reste palpable : le dispositif est cité comme une mesure qui, une fois qu'elle fut annihilée, a fragilisé voire amputé cette capacité d’action des territoires.
Enfin, l'auteur plaide pour un renforcement de la cohérence en matière de fiscalité énergétique. Il explique que seul le développement des EnR, induisant de l'imposition forfaitaire des réseaux (Ifer) et des redevances, génère aujourd'hui une ressource fiscale directe pour le bloc communal. Cette affectation étant amenée à croître, "cela permettrait de donner aux territoires les moyens pour mettre en oeuvre localement leurs politiques énergie-climat, en cohérence avec les responsabilités qui leur sont confiées par la loi".

 

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