Ce que l'architecture doit au climat

comment mieux ventiler la ville ? ©Getty - David Joel
comment mieux ventiler la ville ? ©Getty - David Joel
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Nouvel épisode de forte chaleur. Il va falloir songer à revenir aux fondamentaux de l'architecture.

Pour peu que vous ayez déjà cherché à investir dans l’immobilier, il ne vous aura pas échappé que plus vous montez dans les étages, plus le mètre carré y est cher ( 15% d’écart en moyenne entre le rez-de-chaussée et le dernier étage). L’altitude est censée vous prémunir davantage contre les nuisances sonores du voisinage, vous protéger un peu mieux des cambriolages. Surtout, le soleil y est plus présent : la luminosité est devenue un critère qui conditionne le prix de vente.

Mais la répétition des canicules et des fortes chaleurs (comme celle que nous sommes à nouveau en train de vivre en ce début de semaine) pourrait bien bouleverser la fourchette des prix, en redonnant de la valeur aux bas étages. Plus souvent à l’ombre, il y fait généralement plus frais. Or la fraîcheur devient un bien très recherché quand les températures dépassent durablement les 30 degrés.

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Allons-nous devoir adapter notre façon d’habiter la ville en fonction de l’impact du réchauffement climatique ? Le plus logique serait que ce soit la ville elle-même, et donc celles et ceux qui la conçoivent (architectes et urbanistes), qui s’adaptent à cette nouvelle donne. C’est d’autant plus essentiel d’ailleurs que le secteur du bâtiment est un des principaux émetteurs de CO2, en grande partie à cause de ses dépenses énergétiques : d’où l’effort mis sur la rénovation dans le plan de relance du gouvernement, afin de lutter contre les fameuses ‘’passoires thermiques’’.

Le problème, c’est que pour être efficace, l’isolation des façades suppose une certaine épaisseur : 20 cm pour bien faire. Cela coûte cher évidemment, mais cela pose aussi des problèmes plus insoupçonnables, comme le relève l’architecte suisse Philippe Rahm dans une interview passionnante donnée à la revue trimestrielle Urbanisme : ‘’à Paris, on ne peut pas mettre des doudounes aux bâtiments haussmanniens, très mal isolés, car on en perdrait la valeur d’image patrimoniale’’ ; mais si on isole ‘’par l’intérieur, on perd 20 cm sur des mètres linéaires, et donc à chaque fois des dizaines de milliers d’euros au prix du m2 de l’immobilier à Paris’’.

Problème insoluble, lié à un défaut originel de conception : non pas que les urbanistes aient été incapables d’anticiper les effets du réchauffement climatique (il n’en était pas question à l’époque) mais ils ont délaissé toute une tradition architecturale qui tenait compte des éléments extérieurs au profit d’une approche avant tout esthétique : il fallait faire du beau, quitte à avoir trop chaud.

Or assure Philippe Rahm, c’est une grave erreur tant ‘’la finalité même de l’architecture est climatique’’ en ceci qu’elle ‘’transforme artificiellement le climat dans ce qu’il a d’inconfortable pour le rendre habitable : le toit agit contre le soleil, le mur contre le vent et le froid’.

C’est cette considération qui guide le trait des grands architectes. Ainsi Viollet-le-Duc, au 19e siècle, dont ‘’le choix du marbre pour la construction des églises de Rome obéit au besoin de rafraîchir, bien plus qu’à une dimension symbolique’’. Et il en va des bâtiments comme des villes. Vitruve, lui, déplore que Néron ait fait élargir les rues de Rome, ‘’alors que la taille des rues avait été calculée pour créer de l’ombre et entraîner le vent dans une bonne proportion’’.

Ce qui manque à nos rues et à nos habitations, c’est de pouvoir respirer. ‘’Il y a pourtant’’ ajoute Philippe Rahm (dans ce dossier du dernier numéro de la revue Urbanisme) ‘’tout un nouveau champ esthétique à réinventer’’, un ‘’style anthropocène où l’isolation thermique deviendrait une nouvelle sorte de tapisserie’’ Il faut ‘’réengager la question de l’air, des températures, de la lumière, de l’humidité comme des éléments fondamentaux de l’urbanisme’’. ‘’La forme suit le climat’’

Le constat est finalement assez proche de celui qu’on peut faire dans de nombreux autres domaines. A partir du moment où les constructions humaines (matérielles et intellectuelles) sont conçues comme si elles pouvaient totalement s’émanciper de leur milieu naturel, elles finissent toujours, d’une manière ou d’une autre, par le payer.

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