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Depuis dix ans, le vélo a reconquis la France… des centres-villes

Une vaste étude couvrant tant l'usage en ville, la pratique sportive que le tourisme démontre que le vélo connaît un retour en grâce depuis 2010 en France, particulièrement dans les centres-villes des grandes métropoles. Dans le contexte sanitaire lié au covid-19, le vélo, comme moyen de transport ou comme pratique de loisir et de santé, peut apporter d'importants bénéfices pour la société.

C'est un travail lancé il y a plusieurs mois dont les résultats tombent à pic alors que le déconfinement des Français va commencer le 11 mai : la direction générale des Entreprises (DGE), la direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer (DGITM), l’Ademe et la Fédération française de cyclisme (FFC) dévoilent ce 7 mai l'étude sur l'impact économique et le potentiel de développement des usages du vélo en France commandée aux cabinets Inddigo et Vertigo Lab.
Ce document très complet et d'une extrême densité (376 pages !) "mesure les effets économiques et analyse les bonnes pratiques internationales en matière de politique 'vélo' afin d’éclairer les décideurs publics et privés dans leurs projets de développement des mobilités cyclables, mais également les industriels du cycle, ceux du sport et les professionnels du tourisme désireux de tirer le meilleur bénéfice du retour à la pratique du vélo".
Car – et c'est la très bonne nouvelle de l'étude – le vélo est bien de retour, particulièrement dans les grandes villes. Or comme le soulignent les commanditaires de l'étude, "l’enjeu du développement de la pratique du vélo se pose d’autant plus à l’aune de la crise sanitaire sans précédent liée au covid-19, qui nécessite la mise en place de mesures en vue de limiter au maximum l’engorgement des transports en commun afin d’y permettre la distanciation physique".

Vélos des villes, vélos des champs

Parmi les "bouleversements dans la pratique du vélo" les plus notables depuis dix ans, on note donc le retour du vélo dans le centre des grandes villes : +30% de pratique régulière à Paris entre 2010 et 2018, +10% en moyenne par an à Lyon, +50% à Bordeaux entre 2015 et 2019. Mieux : la croissance de la pratique se monte à 60% dans les grandes villes depuis vingt ans. Reconquête particulièrement remarquable sur un secteur : la pratique du vélo pour aller au travail. 
Toutefois, avec 5% de pratique quotidienne principale du vélo (soit 3,3 millions de personnes), la France reste nettement en dessous de la moyenne européenne (9%) et loin derrière l’Allemagne (19%), le Danemark (30%) ou les Pays-Bas (43%). Pourquoi ce retard ? Les auteurs soulignent "une fracture territoriale majeure". Face à la hausse de la pratique dans les centres des grandes villes, on constate une baisse partout ailleurs : dans les banlieues (-30%) et les communes périurbaines (-65%) mais aussi dans les secteurs ruraux et communes multipolarisées (-45%), "là où il y a 25 ans la pratique du vélo était la plus forte".

Volonté des élus

Là où il a lieu, ce retour de la "petite reine", souligne l'étude, a été rendu possible par une forte volonté des exécutifs locaux. De fait, "le taux d’utilisateurs [est] directement lié au linéaire d’aménagements cyclables par habitant". À titre d'illustration, Strasbourg totalise 0,75 mètre linéaire de pistes et voies vertes par habitant et obtient plus de 10% de taux d’utilisateurs du vélo ; à l’opposé, Montpellier obtient 4,5% d’utilisateurs avec 0,48 ml/habitant et Lille 2,5% avec 0,32 ml/habitant. 
Globalement, les investissements des collectivités dans les politiques cyclables ont augmenté de 40% en dix ans (passant de 328 à 468 millions d'euros), tant en milieu urbain que sur les véloroutes et voies vertes.
Le milieu rural n'est donc pas totalement en reste. Ici, c'est le tourisme à vélo – et en particulier le tourisme sportif à vélo sur route et en VTT pour les zones de montagne – qui imprime le rythme avec des retombées économiques qui s'élèvent désormais à 5,1 milliards d’euros par an, soit une hausse de 46% en dix ans. Avec de tels chiffres, la France est aujourd'hui la deuxième destination du tourisme à vélo derrière l’Allemagne.

Accompagner l'accélération des usages

Les retombées économiques du renouveau cycliste sont cependant beaucoup plus larges. En l’état actuel des pratiques, note l'étude, les retombées des usages du vélo sont estimées à 8,2 milliards d’euros par an et à près de 80.000 emplois. Et si l'on tient compte des activités induites et indirectes et des bénéfices en matière de santé, le vélo pèse pour 29,5 milliards d’euros pour une part modale d’à peine 3%. À l’horizon 2030, une part modale ambitieuse de 24% représenterait plus de 130 milliards d’euros de retombées socioéconomiques. 
Une ambition que les commanditaires de l'étude pensent à notre portée : "La modification des usages qui découlera de la crise sanitaire actuelle doit être une opportunité pour le développement de la pratique du vélo." Ils estiment d'ailleurs que les aménagements envisagés actuellement par les collectivités locales (grandes métropoles, région Île-de-France) en lien avec la crise permettront d’accompagner une accélération des usages urbains. Et pour ne pas accenteur la fracture qui se fait jour avec certains territoires, ils en appellent à une "coordination intercommunale […] afin d’assurer une continuité des axes cyclistes pour les usagers".