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Renouer avec l’horizon des métropoles

Le temps des villes et des territoiresdossier
Pour Martin Vanier, géographe et professeur à l’Ecole d’urbanisme de Paris, les métropoles et campagnes sont plus liées que jamais. A elles de se raconter ensemble.
par Martin Vanier, géographe, professeur à l’Ecole d’urbanisme de Paris.
publié le 14 septembre 2021 à 16h48
(mis à jour le 14 septembre 2021 à 18h59)

«Il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux.» (Pierre Desproges, d’après Jules Renard). Il semble que pour certains, la «ruralité heureuse» ait absolument besoin de métropoles condamnées. Le frémissement d’un hypothétique «exode urbain» alimenté par la pandémie sonne à leurs oreilles comme une revanche. Il avait été prophétisé dans les mêmes termes dès 1982, à cause du recensement général de population qui annonçait en fait la périurbanisation généralisée, c’est-à-dire rien d’autre qu’une des expressions de la métropolisation. Non, la post-urbanisation n’a pas commencé, pas plus en 1982 que quarante ans après. Répétons-le : le temps des campagnes n’est pas l’opposé du temps des villes, c’est le même, et c’est par la combinaison des deux horizons que seront relevés les défis environnementaux et sociaux de l’époque, pas dans le rejet et la défiance. Alors quid de l’horizon métropolitain ?

D’abord, cessons d’en faire un horizon unique, catégoriel, le même pour toutes les grandes villes. Ensuite, acceptons d’y saisir des contradictions plutôt que de les évacuer, car la société métropolitaine n’est pas univoque. Enfin, rouvrons cet horizon après la tentation de l’hubris métropolitaine, dont la sécession de la métropole lyonnaise vis-à-vis du département du Rhône a été le symbole malheureux.

Un horizon différencié : «la métropole», ça n’existe pas. Il existe dans ce pays des grandes villes, très françaises, des régions urbaines, et même une mégapole (l’Ile-de-France), et toutes ont des positions, des trajectoires, et sont des constructions qui sont spécifiques. On peut relever des convergences, y voir des appariements, mais le récit métropolitain a besoin d’être propre à chacune des situations métropolitaines. Plus on le rend abstrait, hors-sol, catégoriel, plus on le dessert, on l’isole, on le rend impopulaire.

Un horizon de contradictions : «la métropole qui gagne», c’est une injure à tous les ménages qui s’y battent au quotidien pour construire leur compromis de vie avec les contraintes que l’on sait. Mais nier la présence et la fonction des élites dans l’histoire métropolitaine, toutes les élites (économiques, culturelles, scientifiques, …) est désastreux. Les métropoles ne sont pas servies par un discours lénifiant, l’attractivité pour la droite, l’hospitalité pour la gauche, la frugalité pour les Verts. Elles doivent l’être par des politiques qui se mettent à la hauteur des contradictions dont elles sont forgées. Plus c’est difficile, plus il faut s’expliquer, donc raconter l’horizon métropolitain.

Un horizon ouvert : la métropolisation déborde de très loin la métropole, c’est même ce qui la définit. La métropole sans «les autres», ce n’est pas une métropole. Mais ces «autres», quelle place leur est-il fait dans le récit et l’horizon communs ? On invoque beaucoup les coopérations territoriales ces temps-ci. C’est un progrès. Il ne faudrait pas qu’il aille au rythme des relations diplomatiques entre nations étrangères.

Métropoles et campagnes sont plus liées que jamais. A elles de se raconter ensemble.

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