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Transition écologique : les métropoles ont pris de l’avance dans l’aménagement du territoire

Le temps des villes et des territoiresdossier
Hélène Peskine est architecte urbaniste générale de l’Etat, secrétaire permanente du Plan urbanisme construction architecture (PUCA) aux ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
par Hélène Peskine, architecte urbaniste générale de l’Etat, secrétaire permanente du PUCA
publié le 20 septembre 2021 à 11h45

Avec la loi climat résilience, qui donne une suite législative aux propositions de la convention citoyenne pour le climat, le gouvernement et le Parlement ont posé une nouvelle pierre dans le jardin national de la lutte contre le changement climatique et pour la protection de la nature. Elle porte haut les couleurs d’une nouvelle économie de la sobriété (zéro artificialisation/zéro émission polluante/zéro carbone…), un véritable changement de paradigme dans l’aménagement du territoire.

L’enjeu désormais, si l’on veut apprendre à «habiter la France de demain», comme nous y invite la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, est de faire «atterrir» ces ambitions, selon l’expression de Bruno Latour, dans la «zone critique», qu’est l’espace gouverné des villes et de leurs agglomérations.

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Une transition écologique déjà amorcée

Les métropoles ont pris un peu d’avance. Confrontées à la récurrence des pics de pollution, elles ont cherché depuis plusieurs années à réguler la circulation automobile. Des stratégies de transition énergétique ont vu le jour pour accélérer la rénovation thermique des bâtiments, développer les énergies renouvelables et le recyclage des déchets. Avec le soutien de l’Etat, de grandes opérations d’aménagement sont sorties de terre sur d’anciens sites ferroviaires, portuaires, et les sites industriels ont muté en quartiers urbains, dont la dimension écologique dans le choix des matériaux, le traitement de l’eau, les transports collectifs et les mobilités douces était revendiquée. De nouvelles politiques autour de l’alimentation saine et locale sont apparues, et la végétalisation des «îlots de chaleur urbains» s’est affirmée.

Ces projets, nous les avons observés à Nantes, Lille, Lyon, Bordeaux Strasbourg, Marseille, Paris… Et si ces grandes opérations ont produit une certaine standardisation des réponses des grandes villes aux enjeux du développement durable, elles ont permis l’émergence de métropoles visibles dans la course à la transition écologique.

De fait, elles avaient plus d’atouts que les villes moyennes pour y arriver. Leur foncier est déjà rare et cher, les modèles de rentabilité des promoteurs immobiliers y sont satisfaits, et la densité de population, d’équipements et de services y autorise des investissements plus lourds en infrastructures collectives.

La déconnexion des grandes villes

Mais la machine s’est grippée. Le mouvement des gilets jaunes, «mouvement des ronds-points», a mis en lumière ce que sont les villes françaises : pas seulement un cœur urbain dense et ses banlieues populaires, mais un entrelacs d’espaces urbains plus ou moins étalés, regroupant zones pavillonnaires, «entrées de ville» commerciales, grands équipements et zones d’activités branchés aux nouvelles rocades routières, le tout reliant entre eux d’anciens cœurs de villages devenus faubourgs.

Les métropoles se sont découvertes territoires, et, si elles ont convaincu leurs habitants les plus urbains – et souvent les plus aisés – que ce modèle d’aménagement sobre, compact et coûteux était le bon, elles se sont détachées de nombreux autres, exclus des bénéfices tangibles de cette quête de bien-être, et doublement punis d’être des «non urbains», captifs de leurs voitures polluantes, et de leurs logements dispersés. Un modèle de ville étalée, celui de «la France des propriétaires», qui a été soutenu, précisons-le, pendant des décennies par la fiscalité et les politiques publiques nationales et locales, et qui répond aux aspirations de nombreux Français.

La crise sanitaire a renforcé ce sentiment d’inachevé : la concentration urbaine, dès lors qu’elle n’offrait plus son foisonnement culturel, intellectuel, économique, s’est avérée pénible. La proximité choisie est devenue une promiscuité subie. La déconnexion des grandes villes d’avec le milieu naturel, ses ressources, le relief et le paysage s’est révélée une faiblesse structurelle. Les inégalités d’accès aux aménités urbaines sont apparues cruellement et la crise a montré que les «travailleurs essentiels» des métropoles, ceux qui étaient sur le pont durant le confinement, avaient été rejetés aux marges par la spéculation immobilière. Des mutations historiques de l’appareil industriel apparaissent nécessaires pour réduire la dépendance aux approvisionnements mondialisés et faire évoluer nos modes de production et de consommation. L’incendie de Lubrizol à Rouen nous l’a cruellement rappelé. Une nouvelle réalité sociale des villes en transition s’est fait jour.

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