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Commerce spécialisé post-covid : pas d'effondrement mais des transformations à l'oeuvre

Le commerce spécialisé a vécu la "pire année de son existence" mais l'effondrement craint à cause de la crise Covid n'a pas lieu. Dans un bilan très complet sur l'impact des fermetures et sur le premier semestre 2021, présenté le 7 juillet 2021, Procos définit les priorités d'action pour les années à venir, au premier rang desquelles l'équilibre entre commerce physique et digital, le contact humain, la transparence sur les produits et l'ancrage local des commerces.

"Il y a une grande ébullition mais pas de drame annoncé sur les prochains mois. L'effondrement auquel on aurait pu s'attendre n'a pas eu lieu." C'est dans des termes optimistes que Laurence Paganini, présidente de Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé, a résumé la situation du secteur, alors que les magasins ont rouvert leurs portes depuis le 19 mai 2021. Logiquement, avec la crise sanitaire qui se poursuivait et la nouvelle période de confinement et de fermeture, le premier semestre 2021 a été très impacté avec un recul du chiffre d'affaires des magasins de 18,5% par rapport à la même période en 2019, avant la crise Covid. Toutes les activités sont en négatif sur le cumul du semestre (seul l'alimentaire spécialisé est à 0,3%), y compris l'équipement de la maison (-8,3%).

Une réouverture plus dynamique qu'en 2020

Seul point positif : la réouverture des points de vente le 19 mai a été plus dynamique que celle de 2020 avec un chiffre en hausse de 68% du 19 au 31 mai 2021 par rapport à la même période en 2020. Parmi les explications de cette forte reprise : une meilleure maîtrise des protocoles sanitaires par les commerçants, la confiance des consommateurs, leur frustration durant les périodes de fermetures avec une retenue de consommation. Les grands centres-villes, comme les grands centres commerciaux, qui ont été plus impactés par la crise que les petits, connaissent la plus nette reprise de fréquentation. Le mois de juin 2021 se termine avec une activité en hausse de 15,8% par rapport à juin 2020 et de 6,6% par rapport à 2019.

Autre information : la réouverture des magasins impacte l'évolution des ventes sur internet. D'une croissance mensuelle au-delà de 50% depuis le début de la crise, les ventes web des enseignes progressent de 7% "seulement" en juin 2021 par rapport à juin 2020. Seul le secteur de la chaussure enregistre des ventes web au-delà de 40% de croissance sur le mois. 

"La pire année de leur existence"

"Le commerce spécialisé et ses acteurs viennent de vivre la pire année de leur existence", insiste Procos dans son dossier de presse. Le commerce est beaucoup plus impacté que d'autres secteurs de l'économie, subissant trois périodes de fermeture, soit un jour sur deux de mars 2020 à avril 2021. Le télétravail, qui s'est fortement développé et va perdurer en partie, aura aussi un impact durable sur la consommation et la géographie du commerce. Les grandes métropoles voient leurs flux quotidiens réduits (Paris a perdu un tiers de ses flux en 2020) et certaines villes moyennes bénéficient au contraire d'un regain d'attractivité.

Mais qu'en sera-t-il de la consommation post-covid ? Procos identifie quatre défis majeurs auxquels le commerce devra faire face. Premier point : la dématérialisation. "De plus en plus de produits sont découverts par internet, a expliqué Laurence Paganini, il y a aussi une accélération du drive, des livraisons, des réseaux sociaux... Pour les enseignes, il s'agit de trouver le bon équilibre entre physique et digital, le digital étant au service du magasin physique." L'ancrage local est un autre défi pour le commerce, les Français ayant redécouvert les vertus de la proximité. Procos propose de déterminer le rôle que peut jouer le commerce sur le plan local, au-delà de la sphère commerciale, en tissant notamment des relations de partenariat avec les acteurs locaux. L'humain est aussi revenu au cœur des préoccupations des Français. "L'accélération du digital n'est pas la fin du magasin, a assuré la présidente de Procos, la demande de contact humain augmente." Les réponses à ce besoin : des formations pour les vendeurs ou "coachs de vente" pour humaniser davantage la relation client. La transparence est le quatrième défi pour le commerce, avec une demande des consommateurs de produits locaux et nationaux et d'indicateurs fiables sur leur provenance. "Durant la crise, nos enseignes ne sont pas restées les deux pieds dans le même sabot, a insisté Laurence Paganini, elles ont accéléré les innovations, transformé leur modèle et lancé des projets." 

De nouveaux formats de magasins

Procos observe ainsi une multiplication de tests de nouveaux formats de magasins avec des refontes complètes des espaces pour apporter plus de services aux clients, des hybridations et des collaborations (co-retailing). Des efforts sont aussi réalisés pour avoir une production plus proche, avec de nouvelles compositions de produits, et  le développement des produits d'occasion. La démarche de responsabilité sociale et environnementale des commerces en sort renforcée.

Mais il est trop tôt pour débrancher les aides. Procos adresse ses demandes à court terme au gouvernement : une accélération du versement des aides (l'aide coût fixe souffre de délais jugés encore très longs), la confirmation de l'aide sur les loyers et ses modalités, pour rassurer les acteurs et éviter une nouvelle période de tension entre bailleurs et commerçants à l'automne. "Les voyants de la consommation sont au vert mais ce qui va se passer dans les prochains mois reste très dépendant du virus et de ses variants, assure Procos, dans tous les cas, une nouvelle fermeture de magasins ne serait pas supportable pour les enseignes."