Des solutions concrètes pour repenser la ville

Des solutions concrètes  pour repenser la ville
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Le dôme de chaleur qui s’est récemment installé sur la côte Est des États-Unis, provoquant des incendies dans toute la région, nous rappelle si le besoin en était qu’avec le réchauffement climatique, canicules et périodes de sécheresse deviennent monnaie courante, alors que l’été 2020 fut déjà le plus chaud jamais enregistré dans l’Hémisphère nord. Quelles pistes existent pour anticiper ce changement de paradigme à l’échelon urbain ?

Contre la hausse des températures, à laquelle nos villes sont mal préparées, les solutions les plus naturelles sont souvent les meilleures. Arbres et espaces verts, outre le bien-être qu’ils nous procurent, constituent ainsi un moyen efficace de rendre les épisodes caniculaires plus supportables en ville. Dans des zones urbaines denses et bétonnées, la végétalisation relève toutefois de la gageure : c’est pour répondre à ce problème que Vertuo a conçu sa solution de bocage urbain. 

Si notre planète se réchauffe, elle tend également à vieillir : selon les prédictions de l’ONU, un être humain sur six aura plus de 65 ans en 2050, contre un sur onze en 2019. Alors que le nombre de personnes âgées s’accroît, leurs besoins tendent également à évoluer, et les solutions mises en œuvre durant la seconde moitié du XXe siècle deviennent rapidement caduques. 

Un être humain sur six aura plus de 65 ans en 2050

Car n’en déplaise à Baudelaire, le cœur d’un mortel change parfois plus vite que la forme de la ville qu’il habite. Les seniors, qui vivent plus longtemps et en meilleure forme physique, ne se satisfont plus de l’alternative entre l’aide à domicile et la maison de retraite. C’est pourquoi Domani veut proposer une troisième voie, avec une solution qui rappellera à certains leurs vertes années : la colocation. 

Deux solutions qui découlent de préférences individuelles : notre penchant pour les espaces verts d’une part, notre appétence pour de nouvelles manières de vivre nos vieux jours d’autre part. Mais qui traduisent aussi des changements structurels dans nos sociétés, et impliquent de repenser de manière systémique le fonctionnement de notre environnement urbain. S’il ne peut pas tout changer à lui seul, l’entrepreneur a incontestablement une pierre à apporter à l’édifice.

Le bocage au milieu du béton

Avec le réchauffement climatique, les épisodes caniculaires se font de plus en plus fréquents. En ville, avec le phénomène des îlots de chaleur urbains, ils peuvent vite devenir insupportables. Heureusement, une solution simple permet de lutter contre ce phénomène : la végétalisation. En plus de procurer une ombre bienvenue lorsque le soleil cogne, les arbres font remonter par capillarité l’eau de leurs racines vers les branches et les feuilles. Cette eau va ensuite s’évaporer et refroidir ainsi l’air ambiant.

Mais en matière de verdure, les villes disposent d’une large marge de progression : seul 1,3 % de leur budget est consacré aux espaces verts (Palmarès des villes vertes 2020) alors que 8 Français sur 10 trouvent qu’il n’y a pas assez de végétal en centre-ville. Il faut dire que la solution n’est pas toujours aussi simple que de planter des arbres ou des bosquets. Certains environnements urbains très denses et minéralisés sont difficiles à végétaliser. 

Cette solution biomimétique est inspirée du bocage, structure rurale ancestrale permettant de récupérer l’eau

C’est pour répondre à ce défi que la designeuse Elodie Stephan a cofondé Vertuo avec l’entrepreneur Baptiste Laurent. Leur ambition ? Un aménagement modulaire qui permet d’introduire des espaces verts en milieu urbain dense, où l’on manque de place et de pleine terre, le tout de la manière la plus autonome possible, pour éviter les coûts d’entretiens prohibitifs. Ce défi implique de maximiser les ressources disponibles, et de penser la ville comme un écosystème, notamment en utilisant l’eau de pluie. 

« Aujourd’hui, l’eau de pluie est généralement récupérée par les avaloires et rejoint régulièrement les eaux grises. Elle demeure ensuite très longtemps dans le réseau jusqu’à ce qu’elle rejoigne une usine de traitement. Quand il pleut beaucoup, le réseau sature, on ouvre les vannes, et une partie de ces eaux sont gâchées. À l’inverse, en période de canicule, l’eau demeure bloquée dans le réseau tandis que les plantes urbaines meurent sous la chaleur. 

L’idée est donc de récupérer immédiatement cette eau à la source, de la conserver et de s’en servir pour irriguer les plantes de manière continue. On maintient ainsi un milieu humide qui réduit le stress hydrique des plantes, leur permet de résister aux périodes de chaleur et s’affranchit de la contrainte d’arroser », résume Elodie Stephan, qui affirme réduire ainsi les coûts d’entretien de 80 % par rapport à un espace vert classique. Cette solution biomimétique est inspirée du bocage, structure rurale ancestrale permettant de récupérer l’eau qui ruisselle dans les champs pour alimenter les arbres plantés sur des talus autour. 

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Vertuo propose actuellement deux solutions. Le dispositif Bocage urbain, d’une part, qui nécessite des aménagements importants et s’inscrit plutôt dans des cycles longs. « On installe, entre la voirie et le trottoir, des blocs de béton raccordés ensembles pour créer un réseau hydraulique alternatif, où l’eau ruisselle et vient en permanence irriguer les plantes afin d’obtenir des espaces verts urbains  », précise Elodie Stephan.  Plusieurs projets sont actuellement en cours de déploiement à Aubervilliers, dans le Parc Portes de Paris et dans une cour d’école à Blois. 

Le dispositif Oasis, d’autre part, est une solution de mobilier urbain conçue pour être adossée à un bâtiment et se raccorder aux descentes de gouttières afin de collecter les eaux de pluie. Elle peut ainsi être mise en place plus rapidement, et est actuellement déployée à Nantes et devant la grande arche de La Défense, en une plate-forme de 200 m2. «  Notre solution prend tout son sens dans les lieux très minéralisés, où l’on a besoin d’occuper chaque portion de terre disponible pour recréer des espaces écosystémiques, afin de rendre la ville plus perméable et végétale », conclut Elodie Stephan.   

La colocation pour troisième âge

Huit Français sur dix considèrent que l’on perd son autonomie lorsqu’on entre en maison de retraite, selon un sondage réalisé en 2018. Un autre sondage réalisé l’année suivante montre également que seuls 13 % des individus interrogés seraient prêts à intégrer un établissement spécialisé si leurs capacités physiques se dégradaient avec l’âge, les sondés préférant adapter leur domicile (56 %), ou alterner entre les deux solutions (30 %). Un constat s’impose donc : pour de nombreuses personnes âgées qui perdent leur autonomie, il n’existe à l’heure actuelle pas de solution vraiment satisfaisante. 

« On se trouve face à un choix très binaire, entre, pour les plus fortunés, la possibilité de rester chez eux avec un accompagnement à domicile en permanence, ce qui s’avère très onéreux, et pour les autres, l’entrée dans un établissement spécialisé, souvent excentré. Cette option est vue comme une privation de liberté par de nombreuses personnes âgées, qui veulent demeurer libres de leurs mouvements, avoir leurs propres horaires, continuer à choisir ce qu’il vont manger, qui ils vont recevoir …  », constate Oscar Lustin, cofondateur de Domani, une entreprise de l’économie sociale et solidaire qui veut proposer une autre manière de vivre aux seniors. Une question d’autant plus importante que de nombreux baby boomers vont entrer dans le grand âge et connaître une perte d’autonomie au cours des dix prochaines années. 

À ceux qui n’ont plus la possibilité de vivre seuls chez eux mais, ne se voient pas intégrer un établissement spécialisé, Domani propose un dispositif de colocation pour senior, permettant à huit personnes âgées de vivre dans un appartement avec une chambre privative et des parties communes, ainsi qu’une aide à domicile (appelée «  maître ou maîtresse de maison ») formée dans l’accompagnement des personnes âgées, qui travaille à plein temps pour l’entreprise et se rend tous les jours sur place. Une formule inédite, inspirée des pays scandinaves et des États-Unis, et encadrée par la loi Élan de 2018 sur l’habitat inclusif, qui vise à donner un cadre juridique à ces nouvelles formes d’habitat.

Les blocs de béton sans une once de verdure sont proscrits.

« L’idée est d’offrir un environnement convivial et communautaire. Il faut que les habitants s’y sentent chez eux, tout en ayant la sensation de faire partie d’une communauté, et de bénéficier d’un accompagnement quotidien. Nous proposons ainsi à des étudiants ou des voisins bénévoles de venir passer quelques heures par semaine, le temps d’une partie de scrabble ou d’un atelier boulangerie, par exemple… Nous organisons également des sorties collectives, car habitat partagé rime avec projet de vie sociale et partagée », résume Oscar Lustin. 

Soucieuse de proposer un cadre de vie agréable à ses locataires, l’entreprise choisit ses logements avec soin. Ces derniers doivent se trouver en centre-ville, à proximité des commerces, mais aussi comporter des espaces verts, parcs ou jardins où les habitants puissent se promener. Les blocs de béton sans une once de verdure sont proscrits. 

Domani travaille de concert avec des promoteurs immobiliers  et des bailleurs sociaux pour mettre en œuvre la construction de logements correspondant à ces différents critères. Un modèle qui implique de penser à long terme, afin de lancer dès aujourd’hui des projets pour répondre à un besoin qui va aller croissant au cours des années à venir. Et de trouver des investisseurs qui voient dans cette vision une alternative crédible aux options actuellement disponibles. 

Un premier projet pilote a ouvert à Pessac en début d’année, réunissant sept colocataires, et une dizaine d’autres sont en cours de développement.

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