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Finances locales : la Cour des comptes pointe les risques pesant sur les collectivités les plus fragilisées

Si les finances des collectivités ont, globalement, plutôt bien encaissé le choc de la crise du Covid-19, les budgets de certaines d'entre elles – en particulier les grandes villes et leurs intercommunalités, ainsi que les départements les plus peuplés - sont davantage fragilisés, s'alarme la Cour des comptes dans le premier fascicule de son rapport annuel sur les finances publiques locales en 2021, qu'elle a rendu public ce 30 juin. La rue Cambon souligne aussi que, malgré la reprise économique, l'année 2021 expose les finances locales à certains risques.

"La poursuite de la crise sanitaire et économique en 2021 et la contribution attendue du secteur public local au plan de relance impliquent de porter une attention aux collectivités les plus fragilisées", avertit la Cour des comptes au terme du premier volet de son rapport sur les finances publiques locales. Une contribution en forme d'état des lieux très précis de la situation financière des collectivités à la fin de l'année 2020.
Ces derniers mois, des chiffres de Bercy et de l'Insee, une enquête de l'Association des maires de France et de la Banque des Territoires, un "baromètre" du député Jean-René Cazeneuve, une étude de l'Agence France locale, ou plus récemment le rapport annuel de l'observatoire des finances et de la gestion publique locales avaient tour à tour dessiné le bilan de l'année 2020 pour les finances des collectivités. Le rapport de la Cour des comptes confirme fort logiquement les principales conclusions mises en avant par ces différents travaux. Il ressort en particulier que les finances des collectivités ont plutôt bien traversé la crise. La diminution de l’épargne des collectivités locales de 4 milliards d'euros (-10,3%) en 2020 est "sensiblement moindre" que les estimations initiales. Mais les magistrats vont au-delà du tableau d'ensemble des finances locales, puisqu'ils réalisent une analyse sous l'angle de la taille des collectivités. C'est une des grandes plus-values de leur rapport.

Charges de centralité

Ils en concluent que les budgets des grandes villes et intercommunalités, ainsi que ceux des départements les plus peuplés ont davantage été mis à mal par la pandémie et ses effets. La Cour avait déjà identifié le phénomène dans le deuxième fascicule de son rapport sur les finances publiques locales en 2020, qu'elle avait publié mi-décembre. La différence est que son analyse repose désormais sur les chiffres définitifs issus des comptes de gestion des collectivités locales pour 2020.
A la différence des petites communes, les villes de plus de 100.000 habitants ont connu l'an dernier un important effet de ciseaux : leurs dépenses se sont accrues, alors que dans le même temps leurs recettes ont reculé. Sous l'effet notamment des dépenses liées à la lutte contre l'épidémie et des "charges de centralité", leurs dépenses de fonctionnement ont augmenté de 0,5% (à comparer à la baisse de 2,5% enregistrée par les communes de moins de 3.500 habitants). Dans le même temps, les recettes des villes de plus de 100.000 habitants ont plongé de 4,4% contre 1,8% pour les communes de moins de 3.500 habitants. La rue Cambon souligne "la dépendance des grandes structures à des recettes fortement touchées par la crise sanitaire" (versement mobilité, taxe de séjour, recettes tarifaires, recettes liées à l’occupation du domaine public).

Départements plombés par leurs dépenses sociales

Du côté des intercommunalités, la situation est plus complexe. Celles de plus de 300.000 habitants ont vu reculer leurs recettes de fonctionnement de 2,1% - alors que les autres intercommunalités ont bénéficié d'une progression de leurs recettes parfois importante. Mais leurs charges de fonctionnement n'ont progressé que de 0,7%, comme les intercommunalités de faible taille (entre 10.000 et 20.000 habitants). Les groupements de communes dont la taille varie entre 50.000 et 100.000 habitants ont en revanche connu un bond de leurs dépenses courantes (+4,7%).
Parmi les départements, la Cour observe là encore qu'en général les plus peuplés sont plus affectés par la crise. Sur les 17 départements confrontés à un effet de ciseaux, 10 ont une population de plus d'1 million d'habitants. L'épargne brute de tous les départements qui atteignent cette taille a été en recul de 27% l'an dernier, un niveau très supérieur à celui des autres départements (celle des départements de moins de 250.000 habitants est quasi stable). Cela résulte d'une baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) – particulièrement marquée à Paris et dans les Hauts-de-Seine – et de la hausse des allocations individuelles de solidarité (+5,3% pour les départements de plus de 500.000 habitants).

Incertitudes pour les finances du bloc communal

Les régions sont les collectivités dont l'épargne brute s'est dégradée le plus nettement, note par ailleurs la Cour des comptes : celle-ci a baissé de 1,4 milliard d'euros (-21,7%). "Seule une région voit son épargne brute rester stable, tandis que les baisses s’échelonnent entre -3,9% et -84,5%, autour d’une valeur médiane de -26,6%", précise la Cour. Malgré le recul de leur autofinancement, les régions ont accru l'an dernier leurs investissements de 1,7 milliard d'euros (+14,9%), en particulier pour soutenir les entreprises. Pour cela, elles ont recouru à l’emprunt, leur encours de dette progressant de 2,5 milliards d'euros (+9%). Mais, les magistrats estiment que les régions "demeurent en capacité de jouer un rôle actif dans le cadre des mesures de soutien et de relance des secteurs économiques les plus touchés par la crise sanitaire".
Ils sont plus inquiets à l'égard des communes et intercommunalités. Une partie des conséquences de la crise a été décalée ou prolongée en 2021, soulignent-ils. En particulier, le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) devrait baisser cette année, parfois dans des proportions importantes pour certaines intercommunalités. En outre, les recettes du versement mobilité restent soumises à des risques importants. Si les groupements de communes "devaient être durablement fragilisés (…) cela ne manquera pas d’affecter tout le bloc communal, en raison notamment des règles de solidarité financière mises en place dans les groupements", s'inquiète la Cour. Elle n'est pas plus rassurante à l'égard des départements. "Leurs finances pourraient être davantage affectées en 2021, compte tenu de la dépendance accrue de leurs recettes à la conjoncture économique et du risque de progression des dépenses sociales", prévient-elle.