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Projet de loi 4D : l'AMF dit sa "déception" et son "inquiétude" sur certains points

On savait le projet de loi 4D bien trop timide aux yeux de l'Association des maires de France (AMF). La réforme suscite aussi chez elle "de l'inquiétude" sur plusieurs points - par exemple en matière de transition écologique et de politique de l'eau -, a fait savoir le 2 juin Guy Geoffroy. Le maire de Combs-la-Ville présentait la position de l'AMF devant la commission des lois du Sénat.

À la différence d'autres associations de maires et présidents d'intercommunalité, l'Association des maires de France (AMF) ne s'était pas exprimée officiellement après la présentation en conseil des ministres, le 12 mai, du projet de loi 4D (différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l’action publique locale). Elle vient de sortir de son silence. Ce 2 juin, Guy Geoffroy, maire (LR) de Combs-la-Ville et président des maires de Seine-et-Marne, a exprimé le point de vue de l'association devant la commission des lois du Sénat. Faisant part de la déception des maires et présidents d'intercommunalité sur un texte pourtant "très attendu", l'ancien député a pointé, au cours d'une analyse précise du projet de loi, des "points importants d'insatisfaction".

Transition écologique : bataille pour le "chef de filat"

Ainsi, les collectivités du bloc communal sont "perplexes et inquiètes" au sujet des dispositions sur la répartition des compétences dans le domaine de la transition écologique, a-t-il dit. Selon l'étude d'impact, le gouvernement entend "préciser, définir et rationaliser le rôle et l’intervention des différents échelons locaux en la matière". Or les mesures envisagées réduiraient les communes et leurs groupements "à un rôle d'observateur, de sous-traitant de politiques publiques décidées ailleurs, alors qu'elles nous concernent directement et que la loi nous a donné, à juste titre, cette compétence de mettre en place de la proximité dans le développement de tout ce qui concourt à la transition énergétique", a souligné le représentant de l'AMF.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a confié aux intercommunalités de plus de 20.000 habitants ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial un rôle de "coordinateurs de la transition énergétique". Une responsabilité dont le maintien serait "incompatible" avec les dispositions du projet de loi 4D. L'ancien député a alerté les sénateurs : "Il y aurait un choc des lois à prévoir, si l'article [du projet de loi] était voté dans les conditions où il vous est présenté aujourd'hui".

Évoquant la définition du cadre juridique des contrats de cohésion territoriale, inscrite dans le projet de loi, Guy Geoffroy a regretté que les communes soient "écartées de la signature" des contrats de relance et de transition écologique (les CRTE, que le gouvernement considère comme "une des premières concrétisations des contrats de cohésion territoriale"). Les communes "doivent être présentes pour la préparation non seulement, mais aussi la signature" de ces contrats, a-t-il insisté.

Agences de l'eau sous la coupe des préfets

La rédaction des dispositions sur "la politique locale de l'eau" est certes "moins inacceptable" que celle qui figurait dans l'avant-projet de loi, mais "il faudra la faire évoluer", a déclaré le maire de Combs-la-Ville. Décidée "au nom de la déconcentration", l'attribution systématique au préfet coordonnateur de bassin de la présidence de l'agence de l'eau et le renforcement de son rôle dans la répartition des aides de ces établissements publics procèdent d'une "véritable recentralisation", a-t-il dénoncé. En ajoutant que les mesures "remettent en cause les fondements mêmes des comités de bassin, qui sont des organes qui délibèrent, qui sont conçus pour être décentralisés". L'élu a aussi regretté que la "double instruction des aides par l'agence et les préfets" conduise à "compliquer" les choses. 

La transformation du conseil de surveillance des agences régionales de santé en conseil d'administration, au sein duquel deux vice-présidents (sur trois) sont des élus locaux, va dans le bon sens pour l'AMF, mais demeure insuffisant. "Une meilleure territorialisation semble nécessaire", a souligné M. Geoffroy. "Nous souhaitons que les collectivités locales reprennent au sein du monde hospitalier, dans sa gestion locale, une place qu'elles ont un peu perdue". L'AMF préconise par exemple le retour des conseils d'administration des établissements hospitaliers et que les élus y "reprennent leur place".

Les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) - des instances de concertation entre les collectivités d'une même région -, dont les compétences doivent être étendues, sont "des outils dont le principe de création est intéressant, mais dont la réalité du fonctionnement et de l'efficacité l'est beaucoup moins". Il faut, a-t-il dit, "probablement aller vers la mise en place de CTAP plus proches du terrain, à l'échelle départementale, qui, peut-être, permettraient une réflexion plus concrète, plus porteuse". Il a aussi prôné moins de "dispersion", faisant remarquer qu'il existe aux côtés des CTAP une "pléthore d'instances territoriales" (conférences régionales du sport, conférences de financement…).

Volet logement : avis "plutôt favorable" 

Les dispositions en matière de décentralisation n'apparaissent que de "manière anecdotique" dans le projet de loi, tandis que celles portant sur la différenciation ont "une faible, voire quasi-inexistante portée normative", a déploré Guy Geoffroy. Mais le texte "pourra être enrichi" à l'occasion de son examen par le Sénat, a-t-il ajouté pour se rassurer.

Le maire de Combs-la-Ville n'a toutefois pas distribué que des mauvais points. Il a révélé que l'AMF est "plutôt favorable" au volet du projet de loi sur le logement et, en particulier, concernant les dispositions sur le prolongement au-delà de 2025 du dispositif de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains). Le texte "répond à certaines attentes", a-t-il estimé. Reste toutefois à "traiter mieux la question des communes lourdement carencées" – c'est-à-dire celles qui ne remplissent pas leurs objectifs en matière de logements sociaux. "Le texte les contraint encore trop", a jugé Guy Geoffroy.

La commission des lois du Sénat examinera le projet de loi 4D à partir du 30 juin, la discussion dans l'hémicycle étant prévue à partir de la semaine suivante.