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Le Sénat veut davantage d'ambition pour la santé environnementale

Un rapport sénatorial sur la santé environnementale constate le trop faible poids accordé à cet enjeu. Il propose de faire du Plan national santé-environnement (PNSE) le "plan chapeau" de toutes les politiques publiques en lien avec la santé environnementale et recommande la création d'un "délégué interministériel à la santé globale". Les politiques publiques locales doivent être mieux valorisées et il faudrait généraliser les observatoires régionaux en santé environnementale.

La commission des affaires sociales du Sénat a adopté, le 24 mars le rapport d'information intitulé "Santé environnementale : une nouvelle ambition". Alors que le sujet est passé un peu au second plan – il était assez peu présent dans les travaux de la Convention citoyenne sur le climat et la pandémie de Covid-19 a obscurci l'horizon –, le rapport rappelle que "les enjeux liés à la santé environnementale sont ancrés dans notre quotidien" et que "pourtant, dans certains cas, ils peuvent demeurer imperceptibles du plus grand nombre avant de faire leur entrée par effraction dans le débat public à l'occasion de crises". L'ambition du rapport est donc de ramener ce sujet au premier plan.

Des indicateurs plus exigeants pour le PNSE

Le travail a été mené par Bernard Jommier, sénateur (PS) de Paris, et Florence Lassarade, sénatrice (LR) de Gironde, tous deux médecins. Décloisonnement et territorialisation sont les deux maîtres mots du rapport. Celui-ci commence par rappeler quelques chiffres chocs à propos de l'impact des facteurs environnementaux sur la santé. Selon l'OMS, ceux-ci représentent en effet 23% des décès et 25% des pathologies chroniques dans le monde, et 15% des décès en Europe. Face à ce constat, le rapport pointe en premier lieu les effets négatifs d'une gestion ministérielle en silo, doublée d'une faiblesse du pilotage interministériel. Si la création, en 2004, du Plan national santé-environnement (PNSE) a constitué un progrès, son efficacité pâtit du manque de coordination avec "un maquis de 34 plans sectoriels". Les rapporteurs proposent donc de faire du PNSE un "plan chapeau" de toutes les politiques publiques en lien avec la santé environnementale et se félicitent d'ailleurs que cette orientation "semble avoir été retenue dans le projet de PNSE 4 en cours de consultation publique". Ceci supposerait également de restaurer la cohérence – notamment en termes de temporalité – entre le Programme national nutrition santé (PNNS) et les plans sectoriels, ce qui pourrait se faire par le biais de feuilles de route intermédiaires.

Sur le PNNS proprement dit, les rapporteurs préconisent également de mieux identifier les moyens et les coûts (le PNNS actuel n'est pas chiffré) et d'élaborer des indicateurs plus exigeants, fixant des objectif quantifiés de réduction des risques ou des expositions.

Pour un "délégué interministériel à la santé globale"

Afin d'assurer un "portage politique proactif" de la santé environnementale, les rapporteurs préconisent de renforcer la coordination interministérielle, jugée aujourd'hui défaillante. Pour cela, ils recommandent ce créer un "délégué interministériel à la santé globale", à même d'incarner au niveau interministériel l'approche "One Health" de l'OMS. Ce délégué serait notamment chargé de coordonner l'élaboration et la mise en œuvre des grands plans nationaux de santé publique (dont le PNSE), mais aussi celles des plans de sécurité sanitaire. Dans le même esprit, le comité interministériel de la santé devrait être rénové et voir son rôle élargi, tandis que le groupe santé-environnement (GSE) verrait son rôle formalisé dans le code de la santé publique et serait transformé un conseil national santé-environnement, présidé par le Premier ministre et doté de moyens propres de fonctionnement. Ce comité serait notamment chargé d'arbitrer la version définitive du PNSE, tandis que son comité restreint permanent, présidé par le délégué interministériel, en assurerait le pilotage, sous la surveillance du GSE.

Par ailleurs, le rapport tranche en faveur du ministère de la Santé sur la question de la tutelle stratégique de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), "qui doit mécaniquement se traduire par une augmentation significative de sa contribution au budget de l'agence, afin de contrebalancer le poids du ministère de l'Agriculture".

Une territorialisation de la santé environnementale

La territorialisation est l'autre maître mot du rapport. Il n'est d'ailleurs pas sans lien avec le précédent, puisque la mobilisation des acteurs locaux est "pénalisée par une approche cloisonnée et essentiellement descendante". Les rapporteurs estiment pourtant que "la plupart des leviers d'actions en matière de santé environnementale et d'amélioration du cadre de vie se situent au niveau territorial. C'est également à cet échelon de proximité que ces enjeux peuvent apparaître les plus tangibles, facilitant leur nécessaire appropriation par la population". Les plans régionaux (PRSE), qui déclinent le PNSE, ont certes contribué à structurer des actions, fédérer les acteurs et engager le débat public au niveau régional, mais ils "peinent à insuffler une véritable dynamique".

L'idée est donc de s'appuyer sur l'expertise locale pour "insuffler une approche intégrée de la santé environnementale dans l'ensemble des politiques publiques locales". Le rapport propose également de mettre en place, dans chaque région, un portail d'information et centre de ressources, mais aussi de généraliser les observatoires régionaux en santé environnementale. Sur le pilotage territorial, les rapporteurs rappellent que la santé est d'abord une compétence de l'État, "même si les collectivités concourent au développement sanitaire des territoires". Il conviendrait néanmoins d'affirmer plus clairement le rôle stratégique des régions et de mobiliser, sur la santé environnementale, des outils comme les contrats de plan État-région (CPER) ou les contrats locaux de santé (CLS).

Un coup de pouce pour la recherche

Enfin, le dernier chapitre du rapport affiche une vocation plus scientifique, puisqu'il s'agit d'"améliorer et diffuser la connaissance scientifique des liens entre environnement et santé". L'effort public actuel en matière de santé environnementale est jugé modeste, puisqu'évalué par les rapporteurs à un montant d'environ 25 millions d'euros par an. Le rapport estime que le France devrait quadrupler cet effort, si elle veut se situer – en proportion – au même niveau que les États-Unis.

D'autres mesures, plus techniques, visent notamment la création d'un institut hospitalo-universitaire (IHU) en santé environnementale et le développement de centres nationaux de référence (CNR) sur certaines pathologies en lien avec les expositions environnementales, la meilleure exploitation et l'interopérabilité des données de santé, ou encore la diffusion de bonnes pratiques auprès du grand public.

 

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