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Crise et finances locales : les grandes villes et agglomérations paient un plus lourd tribut

Les 41 communes de plus de 100.000 habitants (hors Paris) et les 60 intercommunalités de plus de 200.000 habitants ont enregistré l'an dernier un recul de leur épargne brute (différence entre recettes et dépenses de fonctionnement) de plus de 12% en moyenne par rapport à 2019. Une évolution plus brutale que celle de l'ensemble des communes et groupements (respectivement -7,8% et -4%). C'est ce que mettent en évidence des données communiquées par Bercy ce 5 mars aux associations de maires et présidents d'intercommunalité.

France urbaine, qui réunit les grandes villes et leurs agglomérations, portait le constat depuis quelques mois déjà. La crise sanitaire a davantage dégradé en 2020 les comptes de ses adhérents que ceux de l'ensemble des communes et groupements à fiscalité propre. Ce diagnostic est aujourd'hui confirmé par le dernier bilan de l'exécution des finances locales que la Direction générale des finances publiques a établi à la date du 31 janvier.

Les 41 communes de plus de 100.000 habitants (hors Paris) ont enregistré l'an dernier un recul de leur épargne brute (-12,4% par rapport à 2019) "plus marqué" que pour l'ensemble des communes (-7,8%), selon des statistiques que Bercy a communiquées, ce 5 mars, aux représentants des associations de maires et de présidents d'intercommunalité. Ceux-ci rencontraient leurs interlocuteurs des administrations centrales et des cabinets ministériels dans le cadre du groupe de travail sur les finances du bloc communal que les ministres Jacqueline Gourault et Olivier Dussopt ont mis en place en décembre. La baisse de la capacité d'autofinancement brute des grandes villes s'explique par "une relative stabilité des dépenses réelles de fonctionnement" (-0,3% par rapport à 2019, contre -1% pour l'ensemble des communes) et une réduction des recettes réelles de fonctionnement (-2%) "égale" à celle que connaissent les communes dans leur ensemble, explique la DGFIP dans un document que Localtis s'est procuré.

Boom des frais de fonctionnement dans les intercommunalités

D'après ces données provisoires, les comptes des 60 groupements à fiscalité propre de plus de 200.000 habitants (y compris la métropole du Grand Paris et ses 11 établissements publics territoriaux) sont eux aussi davantage affectés par la crise, si on les compare aux comptes de l'ensemble des intercommunalités à fiscalité propre. Leurs dépenses réelles de fonctionnement ont bondi l'an dernier de 5,9% (contre +3,2% par rapport à 2019, pour la totalité des groupements à fiscalité propre). Ils ont connu un net effet ciseau, puisque la progression de leurs recettes de fonctionnement a été limitée à +1,4% (contre +1,7% pour l'ensemble des intercommunalités).

"Les grandes villes qui ont mis en œuvre des actions spécifiques de lutte contre le covid" ont été "plus touchées que les autres collectivités", avait reconnu le ministre délégué en charge des Comptes publics le 1er mars, au Sénat. Olivier Dussopt s'appuyait sur les chiffres de la DGFIP. Et il ajoutait au passage que "les départements" ont été eux aussi davantage affectés par la crise, sur le plan de leurs finances.

Au total, il ressort toutefois que le monde des grandes villes a mieux résisté que ne le prévoyait France urbaine à partir d'une enquête interne. En novembre, l'association présidée par Johanna Rolland annonçait en effet une chute en 2020 d'environ un quart de l'épargne brute et de 5% des recettes réelles de fonctionnement des villes et intercommunalités qu'elle représente.

Les petites communes s'en sortent mieux

Selon la DGFIP, les communes de moins de 3.500 habitants s'en sont mieux sorties financièrement en 2020. Elles ont même bénéficié d'une progression de 1,5% de leur épargne brute, par rapport à 2019. Cela s'explique à la fois par l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement (-2%) et de leurs recettes de fonctionnement (-1,3%).

Malgré les tensions sur leur épargne, les grandes villes ont en proportion moins réduit (-10% par rapport à 2019) leurs dépenses réelles d'investissement que l'ensemble des communes (-13,4%) et que le bloc communal dans sa globalité (-11,7%). Toutefois, la différence entre l'évolution des dépenses réelles d'investissement des groupements à fiscalité propre de plus de 200.000 habitants (-7,9%) et celle des intercommunalités à fiscalité propre (-7,5%) dans leur ensemble est ténue. Pour financer leurs investissements, les grandes villes et les intercommunalités de plus de 200.000 habitants ont augmenté nettement leur recours à l'emprunt (respectivement +13,7% et +34,4%). Le contraste avec les choix faits par les communes de moins de 3.500 habitants est fort : celles-ci ont baissé leurs dépenses réelles d'investissement de 15,3% (par rapport à l'année précédente) et leur recours au crédit a chuté de 32%.

Les collectivités pourront "accompagner la reprise"

Les recettes réelles de fonctionnement du bloc communal ("données des communes et des groupements à fiscalité propre sans consolidation") accusent un recul de 1,1% en 2020 (après +2,5% en 2019). "Ceci s'explique par le recul des autres impôts et taxes (-3,4%) et la contraction des autres produits de fonctionnement (-10,5%), notamment les recettes liées à la fourniture de prestations de services (à caractère social, périscolaire ou culturel) et les revenus des immeubles (respectivement -31,3% et -7,8%)", détaille Bercy. Quant aux dépenses réelles de fonctionnement, elles sont "quasi stables". Résultat : l'épargne brute du bloc communal s'est contractée de 1,2 milliard d'euros (-6,6%) l'an dernier. A 17,1 milliards d'euros, elle se situe à "un niveau comparable à 2018".

Ce 3 mars, la ministre de la Cohésion des territoires indiquait que l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ont connu une réduction de leurs recettes de fonctionnement (-1,4%) et une légère hausse de leurs dépenses de fonctionnement (+0,2%). Si l'épargne brute des collectivités a diminué de 3,7 milliards d'euros, les budgets locaux "sont résistants", déclarait Jacqueline Gourault, au Sénat. "La capacité de financement des investissements par les collectivités restera forte. (…) C'est plutôt de bon augure pour accompagner la reprise", concluait deux jours plus tôt son collègue au gouvernement, Olivier Dussopt.