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"Rôle central" des collectivités pour des systèmes d'alimentation plus durables

Quelles inflexions et quelles ruptures faudrait-il pour faire émerger des systèmes d'alimentation plus durables ? Du rapport sénatorial "Vers une alimentation durable", remis le 26 mai et dont les conclusions ont été débattues fin juin 2020 au Sénat, ressortent de grandes tendances : sobriété, végétalisme, réforme de la PAC, accès au foncier, circuits courts et commande publique, PAT et CAT, etc. qui donneraient aux collectivités un rôle majeur.

"Sobriété et végétalisme", sont "les mots clés" du rapport, résume Jean-Luc Fichet, rapporteur et co-auteur avec Françoise Cartron du rapport "Vers une alimentation durable" dont les conclusions ont été débattues au Sénat le 30 juin 2020. "L'autre élément important, c'est la réforme de la PAC. Il faut en finir avec les aides à la surface, et que les financements de la PAC aillent au travail", poursuit-il, approuvé par Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. "Une tâche immense", mesure-t-il avant de conclure sur la question de l'accès au foncier. "La politique alimentaire à mettre en place doit être européenne" car "la concurrence de l'agriculture française est européenne et non internationale", ajoutera le ministre un peu plus tard dans le débat. "Nous devons avoir des orientations régionales", diagnostique le ministre rappelant que le gouvernement travaille "à la politique foncière dans le cadre du plan de relance". Un changement dont l'échéance préoccupe la sénatrice de la Seine-Maritime, Nelly Tocqueville : "Cette loi foncière est-elle effectivement repoussée à 2022 ?" "La réponse n'est pas évidente", lui répond le ministre qui admet ne pas savoir s’il y aura une loi foncière. En tout état de cause, chacun s’accorde à dire qu'il va falloir revoir la réglementation en la matière pour faciliter l'installation de jeunes agriculteurs hors cadre familial. 

Des PAT et des CAT 

Dans son propos introductif, la co-rapporteuse, Françoise Cartron, a souligné que pendant le confinement, il y a eu un "engouement pour les circuits courts, pour les associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap), pour le manger sain…" On voit toute l'importance de définir des plans territoriaux en matière d'alimentation et "le rôle central des collectivités locales sur ces questions", a souligné la co-auteure du rapport. 
Une vision que le ministre partage, réaffirmant la nécessité des projets territoriaux, "la base des équilibres locaux - notamment dans l'alimentation collective". Il recense à ce jour deux cents plans d'alimentation territoriaux dont "la mise en place est complexe". "Nous la faciliterons dans le cadre des aides du deuxième pilier", a-t-il assuré car "ces plans sont essentiels pour une alimentation relocalisée". 
Plus tard dans le débat, Didier Rambaud, sénateur de l’Isère et membre du groupe d’étude Agriculture et alimentation, interviendra pour dire que "les PAT (les plans alimentaires territoriaux, NDLR) sont trop restrictifs même si de belles réalisations sont à mettre à leur crédit". Il défend plutôt les contrats alimentaires territoriaux (CAT). "Ces contrats alimentaires territoriaux devraient être obligatoires et signés par les EPCI, véritables bassins de vie. Ils pourraient être les autorités organisatrices de l'alimentation durable et locale", suggère-t-il. "Les collectivités territoriales ont montré à quel point elles étaient essentielles à la vie quotidienne de nos concitoyens", a souligné le sénateur avant d’appeler "à ne pas attendre 2050 pour repenser notre alimentation comme nous y ont invité les 150 de la Convention citoyenne".
Didier Guillaume rappelle que le président de la République a appelé à une nouvelle décentralisation. "Le président du Sénat y travaille d'ores et déjà", rappelle-t-il (lire notre article du 2 juillet). "Là encore, nous devons construire ensemble l'alimentation de demain. Avec les CAT, promouvons les PAT. [...] Faisons-en plus", a exhorté le ministre.

Circuits courts et commande publique

Franck Menonville, sénateur de la Meuse et vice-président du groupe d’études Agriculture et alimentation, a quant à lui promu les circuits de proximité dans la commande publique. "Il faudrait simplifier l'accès aux marchés publics pour permettre à nos agriculteurs d'y entrer", estime-t-il avant de poser une question régulièrement abordée par les acteurs de la restauration collective : "Les normes de la commande publique des collectivités seront-elles révisées et simplifiées pour favoriser l'approvisionnement local, notamment au niveau européen ?" Le ministre Didier Guillaume accorde qu’il "faut simplifier les règles des marchés publics pour favoriser l'achat au niveau local", tout en assurant qu’il ne veut "pas opposer les modèles, notamment par une promotion systématique des circuits courts". 

Gouvernance État, régions et territoires 

La question de la souveraineté alimentaire est soulevée par la sénatrice des Hautes-Pyrénées, Maryse Carrère : "Elle est difficile à intégrer car nous sommes très dépendants des importations", rappelle-t-elle. "Comment travailler sur la PAC pour avoir les moyens de nos ambitions ? Quelle gouvernance entre État, régions et territoires ?", interroge-t-elle. "Seuls, les territoires n'y arriveront pas", lui répond le ministre. Mais "l'État non plus qui n'a pas leur connaissance fine du local". "La gouvernance doit être partagée", "une co-construction", plaide Didier Guillaume appelant à "une grande réflexion associant toutes les structures, tous les organismes, les syndicats, les associations, sur l'agriculture de demain et les productions à privilégier face au réchauffement climatique et aux besoins futurs".