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Congrès des maires - Transition écologique : les élus veulent des outils solides et la liberté d'agir

Au Congrès des maires le 20 novembre, des maires ont mis en avant leur grande conscience des enjeux environnementaux et de l'urgence à agir, mais également la difficulté à concilier la gestion du quotidien et le temps long. Les élus demandent à l'Etat à la fois un cadre clair et des outils solides et la possibilité d'agir sans trop d'entraves administratives pour s'atteler aux priorités de leur territoire.

Au 102e Congrès des maires et des présidents d'intercommunalités de France le 20 novembre, un débat sur la transition écologique a conduit des élus à s'interroger sur la manière dont communes et intercommunalités pouvaient "répondre aux besoins des habitants". Avec d'abord un constat unanime : la prise de conscience sur l'urgence environnementale a passé un cap, dans des territoires désormais tous confrontés - sous des formes différentes et à des degrés divers - aux conséquences du changement climatique.

A Goyave, l'ouragan, les sargasses et le reste

Une illustration en a été donnée avec la ville de Goyave en Guadeloupe, frappée en 2018 par le passage de l'ouragan Maria. Avancée du trait de côte, pollution des sols et des eaux, alimentation en eau potable, impact des algues sargasses, risques volcaniques et sismiques… autant de phénomènes qui rendent ce territoire ultramarin – comme d'autres – particulièrement vulnérable. Démuni, Ferdy Louisy, maire de Goyave, a évoqué des investissements détruits par le passage du cyclone – une plage écologique -, des efforts de la commune sur la gestion des déchets ou l'éco-citoyenneté, son budget limité, l'attente de moyens et la responsabilité de l'Etat. "Comment voulez-vous que je puisse parler de stratégie à long terme quand à chaque fois je suis obligé de réagir ?", a-t-il interrogé, alors que Jacques Attali venait de présenter les "indicateurs de positivité des collectivités locales" de sa Fondation Positive Planet.

Concilier d'une part l'urgence et la pression du quotidien et d'autre part l'investissement et la prise en compte du plus long terme : cette équation parfois impossible à résoudre pour les maires aura occupé une bonne partie du débat. "Nos outre-mer sont souvent en première ligne", a reconnu Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire. "Je suis convaincue qu'ils peuvent aussi être à l'avant-garde, parce qu'ils peuvent atteindre l'autonomie énergétique et sont des réservoirs de biodiversité fabuleux", a-t-elle ajouté. Créé officiellement par la loi du 26 juillet 2019 (voir notre article du même jour), l'Office français de la biodiversité (OFB) sera opérationnel "dans 40 jours", avec "une très forte présence dans les outre-mer", a assuré Pierre Dubreuil, directeur général de la préfiguration de l'OFB.

Consolider les agences de l'eau, ajuster l'ONF et le régime forestier

"Nous avions de bons outils, nous ne les avons pas gardés", a déploré André Flajolet, maire de Saint-Venant (Pas-de-Calais) et vice-président de l’AMF. Celui qui préside également le Comité de bassin Artois-Picardie a en particulier appelé à ce que l'Etat consolide les agences de l'eau, qui ont subi une ponction de leur budget (voir notre article du 10 octobre 2018 "Rigueur budgétaire : les agences de l'eau ajustent le tir"). Leurs moyens seront cette année "maintenus", a garanti Elisabeth Borne, confirmant l'orientation forte sur l'adaptation au changement climatique.

Autre bien commun à protéger : la forêt. Avec, là encore, un outil de gestion qui mériterait des ajustements, selon Dominique Jarlier, maire de Rochefort-Montagne (Puy-de-Dôme) et président de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR). "L'Office national des forêts aujourd'hui ne vit que de la vente de bois, alors que 20% de ses personnels travaillent exclusivement sur la biodiversité", a-t-il mis en avant. Pour Dominique Jarlier, il y a donc à avoir une réflexion sur les ressources de l'ONF, mais aussi sur le périmètre du régime forestier. Ce dernier, de son point de vue, devrait intégrer les zones humides, ou encore des parcelles de forêt aujourd'hui privées que les propriétaires n'ont pas les moyens d'entretenir. "Vous avez assez largement raison", l'a conforté Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. Sur l'aspect "filière" notamment, "on a des progrès collectifs à faire", a-t-elle poursuivi, assurant que son ministère s'impliquerait aux côtés du ministère de l'Agriculture et rappelant qu'une mission parlementaire était en cours sur le sujet.

Emmanuelle Wargon : "Il reste encore un peu d'argent"

"Il faut que les outils structurants que l'Etat garantit soient assortis d'une immense liberté locale", a par ailleurs appuyé André Flajolet. Un travail sur la simplification des "catalogues de plans" – et une meilleure articulation entre plans nationaux et locaux - est en cours, a répondu Elisabeth Borne. La démarche de l'Agenda 2030 et des objectifs de développement durable (ODD) donne par ailleurs "de la cohérence, de la visibilité", selon la ministre. Réalisé par le Comité 21 avec de nombreux partenaires, un "guide pratique pour l'appropriation de l'Agenda 2030 par les collectivités françaises" a été présenté lors de cette séquence – Localtis y reviendra dans une prochaine édition.

Dans le cadre des contrats de transition écologique, les collectivités ont toutes "marges de manœuvre" pour travailler sur les priorités de leur territoire, a complété Emmanuelle Wargon. Et, selon elle, "il reste encore un peu d'argent".

Directeur général de la Banque des Territoires, Olivier Sichel a de son côté mis en avant les possibilités de financement de très long terme de l'établissement public, tant du côté des prêts – "pour financer des emplois longs" - que des investissements – pour structurer de nouvelles filières telles que l'éolien offshore flottant. "Quand un maire décide de rénover son réseau d'eau, il ne le fait pas pour 15 ans, il peut donc emprunter sur 45 ans, ce qui lui coûtera 3 fois moins cher", a-t-il illustré.

Lenteurs, blocages et injonctions contradictoires : comment donner l'exemple ?

Au-delà des enjeux financiers, les maires réagissant dans la salle ont mis l'accent sur de nombreuses situations de blocage, liées à des lenteurs des services de l'Etat, des injonctions contradictoires et parfois des interdictions jugées incompréhensibles. Par exemple, une commune littorale des Landes appartenant à un territoire "énergie positive" s'est vu opposer un refus sur un projet de ferme photovoltaïque, considéré comme un motif d'artificialisation des sols. Plusieurs maires ont par ailleurs évoqué des situations de grands axes dangereux, congestionnés et pollués par les poids lourds. Ce à quoi Elisabeth Borne a répondu que la priorité du gouvernement était désormais claire, avec la loi d'orientation sur les mobilités (voir ci-dessous notre article du 20 novembre 2019), sur "l'entretien, la modernisation, la remise en état de notre réseau" plutôt que sur de nouveaux grands projets.

Mais, en attendant, les maires peinent à demander à leurs habitants de faire des gestes pour l'environnement. Car certains se voient répondre : "Monsieur le maire, arrêtez déjà de nous empoisonner le long de la route principale."