Ce que pensent les Français de la différenciation territoriale

Marjolaine Koch

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Ce que pensent les Français de la différenciation territoriale

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Les Français sont-ils prêts à voir les collectivités exercer des compétences différentes en fonction des territoires ? Un récent sondage montre que la réponse est favorable mais pas unanime. Le clivage ville/campagne perdure.

Le 23 septembre, le groupe Union centriste du Sénat organisait un colloque sur le thème de la différenciation territoriale. À cette occasion, les élus ont commandé à l’Ifop un sondage ((Enquête (accéder aux résultats complets) réalisée les 11 et 12 septembre derniers, questionnaire en ligne administré à un échantillon de 1.017 personnes majeures, sélectionnées selon la méthode des quotas.)) pour comprendre : « comment les Français perçoivent-ils l’organisation et le fonctionnement de leurs collectivités locales ? ».

Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, a confirmé, à l’occasion de ce colloque, que le gouvernement allait présenter dans le courant de l’année 2020 un projet de loi relatif à la décentralisation, la différenciation et la déconcentration. Ce projet de loi « 3D », comme elle le surnomme, vise à rendre de la souplesse aux collectivités, notamment en favorisant la contractualisation avec l’État.

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Des compétences « en nombre limité »

Ce droit à la différenciation territoriale, décidément au goût du jour, est aussi inscrit dans le nouveau projet de révision constitutionnelle. Avec cet apport, certaines collectivités pourront exercer des compétences « en nombre limité » (précision du ministère) dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie. Cet assouplissement devrait permettre de mieux prendre en compte les spécificités de chaque collectivité. Le projet de révision ouvre aussi la possibilité de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, lorsque la loi ou le règlement l’ont prévu. Mais encadrer la différenciation est-elle nécessaire ? Tous les élus ne sont pas d’accord. Certains penchent pour l’introduction de marges de manœuvre dans la loi, quand d’autres estiment que la loi offre déjà des possibilités à cadre constitutionnel constant.

Encadrer la différenciation est-elle nécessaire ? Tous les élus ne sont pas d’accord sur cette question

Sans surprise, les résultats du sondage sur la perception des Français sur cette différenciation montre des différences entre les habitants des grands centres urbains et ceux des zones rurales : pour chaque question, un encadré propose un zoom sur les réponses des participants selon qu’ils vivent en campagne, en commune urbaine de province ou bien en agglomération de province.

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Plus de pouvoir aux communes

52 % des interrogés estiment qu’il faut adapter les organisations des différentes collectivités sans les transformer radicalement, quand 29 % souhaitent les réformer en profondeur. Si un cinquième préfère les maintenir en l’état, dans les zones rurales, les habitants sont un quart à ne pas vouloir de nouveau changement.

La crainte est là de voir encore plus de compétences échapper aux maires si de nouvelles modifications avaient lieu

Ce sont pourtant également les mêmes qui penchent le plus pour donner davantage de pouvoir aux communes : 61 % des ruraux se prononcent pour, quand la moyenne des trois zones est à 55 %. Ces deux données laissent transparaître une crainte de voir encore plus de compétences échapper aux maires si de nouvelles modifications avaient lieu, alors qu’ils sont une large majorité à souhaiter une reprise en main de certains sujets par leurs édiles. L’échelon de la commune, d’ailleurs, arrive en tête. Ensuite, 44 % souhaiteraient que davantage de pouvoir soit redonné aux départements, 42 % aux régions et 40 % aux structures intercommunales.

À la troisième question « seriez-vous favorable ou opposé à la fusion des communes ou des départements qui en feraient la demande ? », 72 % des participants, toutes zones géographiques confondues, approuveraient ce choix pour les communes. Mais ils ne sont plus que 55 % pour les départements.

Adaptation au territoire

Quant à la possibilité de faire varier les compétences des collectivités d’un territoire à l’autre, 55 % des interrogés s’y montrent favorables. Et plus ils sont urbains, plus le taux augmente : respectivement 58 % et 57 % pour les répondants originaires soit d’agglomération, soit de communes urbaines de province. Dans le même esprit, à la question « dès lors que le Parlement en aurait préalablement accepté le principe, seriez-vous favorable ou non à ce que des collectivités locales puissent adopter des normes particulières ou introduire des dérogations (locales) à une loi votée à l’échelle nationale ? », 61 % se disent favorables.

61 % des personnes souhaitent que certaines prestations sociales soient adaptées en fonction du coût de la vie

Pour terminer cette enquête, l’Ifop a demandé aux participants s’ils seraient pour que le montant de certaines prestations sociales puisse être différent d’un territoire à l’autre, en fonction du coût réel de la vie sur le territoire. Là encore, le résultat est de 61 % en faveur d’une adaptation en fonction du coût de la vie. La conclusion du sondage penche clairement en faveur d’une différenciation plus marquée entre les collectivités.

Du côté des élus locaux, cette journée a été l’occasion de rappeler que l’élément primordial pour eux était la stabilité : après des années de bousculements successifs, il est temps de ralentir la cadence, et d’offrir à chacun une lisibilité dans l’exercice des compétences.

Frédéric Dabi : « la montée en puissance de l’intercommunalité n’est pas du goût des Français »

Ce sondage montre une crainte plus prononcée chez les habitants des zones rurales, de voir échapper encore plus de pouvoir à leurs élus locaux…
Oui, et c’est un constat que nous avions déjà fait il y a deux ans pour le groupe LR de l’Assemblée nationale, qui montrait l’existence d’un prisme différent entre les habitants des zones rurales, des zones urbaines et des métropoles. Près de 24 % des Français vivent en zone rurale et ils ont une vraie peur de voir l’État les abandonner et d’assister à un démantèlement des services publics. Ils ont une vision très extensive de la notion de service au public, une banque, un distributeur en fait partie, selon les réponses qu’ils nous ont données. Cette étude nous avait là aussi montré un attachement très prononcé aux élus locaux et notamment municipaux, et la crainte de les voir perdre en influence.

Pour autant ils ne sont pas réfractaires aux fusions des communes : ils voient l’intérêt que peut avoir un regroupement dans le cas de toutes petites collectivités...
En quelques années, nous sommes passés de 36 000 à moins de 35 000 communes. Cela va dans le sens de l’histoire. D’accord pour fusionner les communes, avec néanmoins le souci de ne pas diluer l’identité locale. Et d’ailleurs, cela ne les empêche pas de manifester une forte attente en matière de réforme des collectivités, mais il existe une sorte de ligne rouge qu’ils ne veulent pas franchir, c’est celle du pouvoir alloué aux maires. La montée en puissance de l’intercommunalité, qui a rendu moins lisible l’action des maires, n’est pas du goût des Français.

L’échelon local reste très prisé des citoyens ?
Quand on interroge les Français sur l’évaluation de l’action de leur maire ou président de département, de région, les scores de satisfaction sont élevés, même s’il existe des variations entre les différents échelons. La satisfaction est en tous cas toujours supérieure aux scores recueillis par les élus nationaux. C’est une véritable appréciation d’efficacité de ceux qui sont sur le terrain.

Frédéric Dabi est DGA et directeur du pôle opinion et stratégies d’entreprises de l’Ifop

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