Environnement : les maires ont un pouvoir de transformation

Marjolaine Koch
Environnement : les maires ont un pouvoir de transformation

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© psychoshadow - adobestock

En matière de transition écologique, la taille (petite), n’est pas un handicap. En mettant en lumière les actions des maires de collectivités de toute taille, Mathieu Rivat montre que même dans un contexte où les moyens s’amenuisent, les maires disposent de leviers encore puissants pour améliorer le quotidien des habitants, à condition de sortir des sentiers battus.

Mathieu Rivat vit à Paris. Il travaille dans une Scop et conseille des comités d’entreprise. Il écrit de la fiction, des articles critiques et participe à diverses aventures éditoriales.

Il vient de publier, chez Actes Sud, « Ces maires qui changent tout » : un ouvrage détaillé où six communes de tailles diverses sont prises en exemple. Elles ont en commun d’être précurseures en matière d’écologie et de fonctionnement démocratique. Deux sont des villages en territoire rural, Puy-Saint-André (Hautes-Alpes) et Trémargat (Côtes-d’Armor) ; deux en zone périurbaine, Loos-en-Gohelle (Nord) et Ungersheim (Haut-Rhin), et deux sont des métropoles, Grenoble et Paris. En mettant en lumière leurs actions, Mathieu Rivat montre que même dans un contexte où les moyens s’amenuisent, les maires disposent de leviers encore puissants pour améliorer le quotidien des habitants, à condition de sortir des sentiers battus.

Le point commun entre les six exemples que vous prenez, c’est l’orientation politique des élus à la tête de ces communes­, tendance écologiste, de gauche… il n’existe aucun exemple qui se situerait ailleurs sur l’échiquier politique ?

Cette liste a été discutée et validée avec l’éditeur. Nous avons cherché des mairies de droite, mais nous n’avons trouvé aucun exemple suffisamment solide. L’idée, c’était de trouver des communes qui faisaient de l’écologie et de la démocratie des objets importants. Notre objectif n’était pas d’être représentatif, mais de donner des exemples parlants.

Les enjeux politiques plus complexes, les jeux d’acteurs plus compliqués des métropoles rendent la capacité d’action des maires plus limitées.

Il a également été difficile d’écrire sur les métropoles car cette taille rend les enjeux politiques plus complexes, les jeux d’acteurs sont plus compliqués : cela rend la capacité d’action des maires plus limitées dans les champs que nous souhaitions mettre en avant.

On entend beaucoup dire que les maires n’ont plus de pouvoir : les exemples que vous décrivez montrent qu’ils ont encore des leviers entre les mains, qui peuvent avoir un fort impact sur le quotidien des habitants.

C’est en effet une chose qui m’a surpris lors de mes rencontres avec ces maires : ils m’expliquaient qu’en prenant les rênes de leur commune, ils avaient découvert que cette position permet beaucoup plus qu’ils ne l’imaginaient. Il y a tout de même des paradoxes dus à l’empilage de responsabilités avec les communautés de communes, qui demandent un effort pour gérer cette relation. C’est un échelon dans lequel les petites communes ne se retrouvent pas toujours, mais chacun de mes interlocuteurs a réussi à trouver des marges de manœuvre pour agir. À Puy-Saint-André près de Briançon, Pierre Leroy a su faire preuve d’une certaine habileté politique, il est parvenu à convaincre et emporter l’adhésion sur des projets écologiques en soignant sa présentation. Conscient du fait que les aspects écologiques ont généralement peu de succès, il met en avant les économies générées par ses propositions. À Trémargat dans le Finistère, l’approche est plus méfiante, l’équipe tâche de construire des formats nouveaux qui permettent de contourner l’échelon intercommunal, comme lorsqu’ils créent une SCI pour s’approprier des terres et aider à l’installation de jeunes paysans. Ils se débrouillent en trouvant des marges de manœuvre parfois inattendues.

Les maires se débrouillent en trouvant des marges de manœuvre parfois inattendues.

À Loos-en-Gohelle, le maire semble parvenir à jouer le jeu institutionnel et politique, mais il reconnaît que les relations restent compliquées dès lors que l’on sort du cadre classique. Lui a trouvé une alternative : il va chercher des financements au niveau de l’Europe, en se montrant précurseur et innovant sur de nombreux sujets. C’est une démarche qui demande beaucoup d’énergie. Pour éviter l’usure des élus qui, dans ces exemples, exercent leur fonction à temps plein, la commune de Trémargat opère une rotation : le maire ne fait qu’un mandat, ensuite il devient premier adjoint pour accompagner le nouveau dans ses premiers pas.

Lire aussi : Qui se soucie de la démocratie locale ?

À la lecture de ces témoignages, on ne peut que se réjouir d’avoir autant de communes en France : plus le groupe est restreint, plus les habitants sont en mesure de s’impliquer…

Oui et finalement, l’échelon communal est très plastique. Il est bien sûr régi par un certain nombre de codes juridiques, mais ces exemples nous montrent qu’il est assez souple. Chacun peut l’adapter. Tremargat, par exemple, en a fait une auto-organisation collective. Cette méthode est née d’une envie d’habitants de prendre en main leur espace de vie, et qui ont vu dans la mairie un échelon possible pour agir ensemble. Après bien sûr, il est plus facile d’agir de la sorte dans une petite commune que dans une grande. Mais il y a probablement des formats à imaginer à l’échelle des quartiers par exemple, dans les grandes villes.

Finalement, l’échelon communal est très plastique, chacun peut l’adapter.

Un aspect intéressant de votre livre se trouve aussi dans les initiatives qui ont échappé au contrôle des élus : vous décrivez une crispation des édiles – plutôt dans les grandes villes — quand ils ne détiennent pas les rênes d’un projet.

Je pense que dans les grandes villes, de fait, tout est exacerbé. Les enjeux prennent plus d’ampleur car les relations sont plus institutionnalisées. Quand des citoyens tentent de s’organiser collectivement dans un espace, l’institution peut avoir tendance à rappeler la règle. Les enjeux politiques sont plus forts, la récupération politique plus courante. Je donne l’exemple du Bois Dormoy à Paris, des friches dans un quartier populaire du XVIIIe arrondissement que se sont appropriés des habitants. Ils ont nettoyé la zone, en ont fait un espace partagé, collectif, en associant au maximum les habitants du quartier pour ne pas en faire un espace de « bobos blancs ». Mais au bout de six ans, la mairie a voulu récupérer cet espace pour construire un EHPAD et des logements.

Quand des citoyens tentent de s’organiser collectivement dans un espace, l’institution peut avoir tendance à rappeler la règle.

Le problème, c’est qu’on ne peut pas sans cesse opposer des individus qui s’organisent collectivement pour créer une sorte de point de rencontre, et l’intérêt général. Car ces projets répondent aussi à l’intérêt général. Même si la ville est propriétaire de ces lieux, le fait que les habitants aient transformé cet ancien squat insalubre en lieu de vie a aussi convenu à l’institution durant ces années. Des solutions pourraient être trouvées dans un environnement direct, mais la pression foncière, les enjeux de logement sont trop forts. Aujourd’hui finalement, le projet serait de transformer le site en square public. Cet entre-deux fait fi de la dynamique collective qui avait émergé : beaucoup d’habitants trouvaient un équilibre dans leur vie au sein de ce quartier grâce à leur implication dans cet espace. J’avoue ne pas comprendre ce besoin de l’institution de vouloir normaliser un espace qui n’est pas dégradé, bien au contraire. C’est dans ce type de conflit que l’on comprend à quel point le pouvoir de transformation est très dépendant des enjeux de pouvoir politique.

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