Jean-Marc Roubaud : « Les territoires intermédiaires ont une carte à jouer »

Stéphane Menu
Jean-Marc Roubaud : « Les territoires intermédiaires ont une carte à jouer »

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Président d’une communauté d’agglomération coincée entre plusieurs grandes métropoles, Jean-Marc Roubaud estime que ce positionnement géostratégique peut être une chance pour apporter une force d’appoint à cette révolution de l’organisation administrative du pays. Plusieurs élus et techniciens des collectivités situées en dehors des métropoles ont d’ailleurs décidé de se rencontrer régulièrement pour envisager le lancement de projets communs.

Jean-Marc Roubaud (LR), président du Grand Avignon, député UMP de 2002 à 2012 (deux mandats), est maire de Villeneuve-lès-Avignon dans le Gard, commune de plus de 12 000 habitants. Il est aussi président de la communauté d’agglomération du Grand Avignon depuis 2014. Cet EPCI présente la singularité d’être présidé par un élu différent de la ville-centre, Avignon, dont le maire est Cécile Helle (PS).

Comment les territoires de taille moyenne comme le vôtre vivent-ils l’évolution métropolitaine de l’aménagement du pays ? N’est-il pas difficile de faire entendre sa voix entre les métropoles de Marseille, Nice et Montpellier ?

Cela nous interroge et dire le contraire serait faux. Mais nous avons à développer l’image d’un territoire à taille humaine dont les nombreux atouts sont prêts à se déployer, notamment à travers une forte économie présentielle. Pour employer une expression propre au vocabulaire économique, nous occupons clairement un marché de niche. Il ne faut pas voir trop grand mais jouer sur notre taille intermédiaire pour favoriser une dynamique de développement, en attirant par exemple les entreprises de pointe dans le secteur agroalimentaire, qui est une de nos marques de fabrique.

Dans le cas du Grand Avignon, la notoriété de la Cité des Papes n’est plus à faire. Il faut la doper, l’étendre au-delà du rendez-vous festivalier de l’été qui attire un public de plus en plus nombreux. L’emplacement géographique est aussi déterminant, à la croisée des échanges entre l’Espagne et l’Italie.

Il ne faut pas voir trop grand mais jouer sur notre taille intermédiaire pour favoriser une dynamique de développement.

Avec la gare TGV et les aménagements intermodaux que nous mettons en œuvre, nous montons en gamme d’année en année. Sans oublier le savoir-faire de nos entreprises dans le domaine des entreprises innovantes. Je ne me fais donc pas trop de souci sur la qualité de l’offre territoriale que nous proposons. Le terreau est là.

Reste à œuvrer, en matière de marketing territorial, pour faire connaître ces atouts…

Oui, il faut savoir faire et faire savoir. Notre communauté d’agglomération est située au cœur d’un département pauvre, le Vaucluse (lire encadré). Comme souvent dans ces territoires bénis des Dieux, les acteurs politiques et institutionnels ont cru qu’une manne céleste allait tomber jusqu’à la fin des temps. Nous avons peut-être pris conscience trop tard que ce ne serait pas forcément le cas et qu’il fallait se mobiliser pour faire connaître ce territoire et mieux le défendre.

La loi Notre nous donne la possibilité de défendre notre attractivité touristique dans un cadre plus cohérent.

La loi Notre nous donne la possibilité de défendre l’attractivité touristique du Grand Avignon dans un cadre plus cohérent. Nous ne devons pas laisser passer cette opportunité.

Lire aussi : Départements et métropoles en 2017 : transferts ou délégations de compétences ?

Vous êtes au cœur d’un territoire contrasté, avec le Lubéron et le festival d’Avignon et d’autres secteurs plus à l’abandon.

Il faut susciter auprès du public qui vient au festival d’Avignon l’envie d’y rester. C’est un enjeu majeur pour les activités touristiques. Nous y travaillons, la dynamique est lancée.

Le département le plus pauvre de la région PACA
Avec un taux de pauvreté de 19,4 %, le Vaucluse est le département le plus pauvre de la région PACA. 19,4 % de sa population vit au-dessous du seuil de pauvreté (770 € pour une personne), soit trois points de plus que la moyenne régionale qui est de 16 %, et près de six points de plus que la moyenne nationale qui est de 14 % ! Ces chiffres émanent du dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre.
Le Vaucluse présente aussi une autre particularité : les ouvriers agricoles, saisonniers étrangers et français rament pour trouver un logement. Du logement social abordable, une régulation des loyers et l’application plus stricte de la loi Alur permettraient d’améliorer cette situation, estime la Fondation Abbé Pierre.

Comment ?

Le Grand Avignon doit considérer son avenir au-delà de ses propres frontières territoriales.

À l’heure où les métropoles voisines se déploient puissamment, nous devons non seulement faire sentir notre différence mais aussi miser sur des synergies avec ces territoires proches. Je pense au nord des Bouches-du-Rhône, Carpentras, Arles, Nîmes, voire Bagnols et Valence, mais aussi à la métropole Aix-Marseille-Provence. Sans oublier la nécessité de s’inscrire dans un ou des réseaux de villes, à l’échelle nationale ou européenne. Cette volonté de rapprochement s’est déjà traduite dans les faits depuis la fin 2016 : les présidents des six communautés d’agglomération de Nîmes Métropole, Grand Avignon, Arles Crau Camargue Montagnette, Alès Agglomération, Gard Rhodanien et Terre de Provence ainsi que les maires des villes centre de Nîmes et Avignon ont d’ores et déjà échangé sur l’évolution de l’organisation territoriale de cette grande région pour ne pas rester dans l’ombre des grandes métropoles marseillaise, niçoise, montpelliéraine ou encore lyonnaise.

Il ne faut pas oublier la nécessité de s’inscrire dans un ou des réseaux de villes, à l’échelle nationale ou européenne.

Des projets concrets pourraient-ils rapidement émerger ?

DGS et DGA de ces collectivités se sont rencontrés début juin à Saint-Rémy-de-Provence en présence de certains élus. La culture, les transports, le tourisme ou encore le développement économique apparaissent à l’évidence comme des secteurs qui peuvent faire naître des projets convergents. Nous allons ainsi construire ensemble un parking-relais à Châteaurenard dans le nord des Bouches-du-Rhône. C’est un équipement qui intéresse pas mal d’habitants au-delà de nos frontières administratives.

Mais pourquoi ne pas passer à la vitesse supérieure, en créant une métropole ?

Ce n’est pas la volonté exprimée par les élus à ce jour. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Nous devons avancer lentement mais sûrement.

Les chantiers importants que nous lançons nous obligent à disposer d’une visibilité pour être crédibles auprès des entreprises.

La suppression annoncée de la taxe d’habitation vous inquiète-t-elle ?

Le financement des collectivités territoriales est une priorité absolue. Nous devons trouver une forme de financement qui assure notre autonomie dans le temps, au-delà des péripéties politiques. Parce que le temps des chantiers importants que nous lançons nous oblige à disposer d’une visibilité pour être crédibles auprès des entreprises. J’invite donc l’Association des maires de France à se mobiliser pour éclaircir ce point afin que nous puissions au plus vite travailler en toute sérénité.

Lire aussi : Intercos : à quand la gouvernance 3.0 ?

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