Jean-Michel Baylet : "De nouvelles mesures sur le service public en milieu rural et les écoles rurales"

La rédaction
Jean-Michel Baylet :

Jean-Michel Baylet

© F. Calcavechia

Ministre de l'Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet fait le point pour "le Courrier des maires" sur les dossiers majeurs de l’action publique locale, à l’approche du Congrès des maires (31 mai-2 juin 2016). Aujourd’hui, première partie de cet entretien, consacrée à la nouvelle carte intercommunale et aux mesures en faveur des territoires ruraux, alors que se profile, le 20 mai, le troisième Comité interministériel aux ruralités.

La nouvelle carte intercommunale

Le Courrier des maires : Quel bilan dressez-vous des schémas intercommunaux arrêtés par les préfets au 31 mars  ?

Jean-Michel Baylet : Les choses se sont bien passées, surtout au regard d’une refonte qui a lieu peu de temps après la précédente, en 2011. C’était audacieux que de remettre aussi rapidement sur l’établi la carte intercommunale ; l’encre de la dernière carte était à peine sèche qu’on en reprenait le dessin. Or, dans l’ensemble, les schémas ont été votés dans de bonnes conditions de négociation avec les préfets. L’objectif est atteint, puisque nous passons, à ce stade, de 2 062 intercommunalités au 1er janvier 2016 à 1 242 au 1er janvier 2017. Certains élus se sont montrés très audacieux, davantage même que les préfets, et il faut les en féliciter. Ils ont une vision très élaborée de leurs territoires. Enfin, si les votes ont rarement atteint l’unanimité, la procédure du passer-outre restera très exceptionnelle.

Certains élus se sont montrés très audacieux, davantage même que les préfets, et il faut les en féliciter. Ils ont une vision très élaborée de leurs territoires."

Et concernant les fusions de syndicats ?

J.-M. Baylet : Là aussi, nous atteindrons nos objectifs de fusions et de réduction importante du nombre total de syndicats.

Les communautés XXL, un temps objets de craintes, constituent-elles encore un point d’achoppement ?

J.-M. Baylet : Seules deux très grandes communautés devraient chacune rassembler plus de 150 communes, l’une dans le Pays basque, l’autre dans la Manche. Et 5 ou 6 communautés compteront un peu plus de 100 communes. Non seulement il s’agit d’un phénomène marginal, mais, de surcroît, il relève de la seule volonté des élus ! A partir du moment où ces projets sont issus de volontés politiques locales fortes, et dans des territoires à l’identité très marquée pour ces deux très grandes intercommunalités, je ne m’inquiète pas pour leur gouvernance, même s’il faudra du temps pour les installer.

A partir du moment où ces projets sont issus de volontés politiques locales fortes, et dans des territoires à l’identité très marquée [...], je ne m’inquiète pas pour leur gouvernance."

L’instauration de nouvelles régions a-t-elle incité certains élus à voir "très grand" pour leur interco ?

J.-M. Baylet : Je crois surtout qu’ils se sont définitivement emparés du fait intercommunal. Lors de mon premier passage au gouvernement, dans les années 90, j’affirmais déjà qu’il ne servait à rien de prétendre vouloir conserver les 36 700 communes si on ne leur donnait pas les moyens d’exister concrètement. D’où ce passage obligé à l’intercommunalité. 25 ans plus tard, le chemin parcouru est considérable.

Les projets d’intercommunalités interdépartementales, qui suscitent parfois des projets contradictoires entre CDCI, ont-elles votre appui ?

J.-M. Baylet : Elles l’ont, d’autant que je préside moi-même une intercommunalité à cheval sur trois départements et deux régions ! A ce jour, il ne reste plus que quelques projets qui suscitent encore quelques difficultés. Je ne doute pas que cela se règlera d’ici la fin mai par la concertation et la discussion.

Comment voyez-vous la coopération de ces futures grandes intercos avec les départements que vous aviez contribué à maintenir ?

J.-M. Baylet : J’attends une complémentarité entre eux, de même qu’avec les régions, pour œuvrer à l’aménagement du territoire. J’y ajouterai les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, qui doivent aussi y contribuer. J’espère qu’il y aura des contractualisations entre région, départements et communautés de communes. D’autant que la gestion des fonds européens sera désormais entre les mains des régions ; cela va considérablement changer la donne.

Quid de la volonté de certains élus de voir la date-butoir du 31 décembre 2016 repoussé pour les fusions les plus complexes ?

J.-M. Baylet : Si nous ouvrons la boîte de Pandore, nombreux sont ceux qui voudront s’engouffrer dans la brèche. Nous sommes en mai : repousser d’un an reviendrait in fine à reporter de plus de 20 mois, au 1er janvier 2018, des schémas que nous sommes en train d’adopter ! Je ne vois pas ce que l’on pourra faire de plus en 20 mois qu’on n’ait pas eu le temps de faire en 8 mois… Ce ne serait pas la bonne méthode. Quand des décisions sont prises, il faut les appliquer et tourner la page.

Repousser d’un an reviendrait in fine à reporter de plus de 20 mois, au 1er janvier 2018, des schémas que nous sommes en train d’adopter !"

Le prochain Comité interministériel aux ruralités

Alors qu’un troisième comité interministériel aux ruralités doit être organisé le 20 mai, quel bilan faites-vous des deux précédents comités de 2015 ?
J.-M. Baylet : Nous avons entendu les appels des élus ruraux se sentant laissés pour compte, mal lotis. Deux comités interministériels à la ruralité ont permis de dégager 67 mesures en 2015 et non des moindres, pour faire de la ruralité une priorité d’action. Le gouvernement a décidé d’agir en priorité sur l’accès au numérique et la résorption des zones blanches, mais aussi sur les services délivrés en proximité aux usagers. L’ensemble des centres-bourgs encore dépourvus de couverture mobile seront couverts d’ici la fin de l’année, soit environ 300 communes.

Sur le numérique, l’Etat mobilise plus de 3 milliards dans le plan "France Très Haut Débit", qui prévoit que 100 % de la population soit équipée en très haut débit d’ici 2022.

En matière sanitaire, le maintien et l’installation des professionnels de santé sont également au cœur des priorités gouvernementales. Nous avons ainsi annoncé la création de 1 000 maisons de santé pluriprofessionnelles avant 2017. Aujourd’hui, 778 maisons de santé sont en services et 382 sont en projets, l’objectif sera donc atteint et dépassé.

Qu’en est-il des maisons de services au public ?
J.-M. Baylet : Je suis avec la plus grande attention le déploiement de ces maisons qui permettent de ramener les services au plus près des usagers, notamment dans les territoires ruraux. Au niveau national, près de 500 maisons de services au public sont d’ores et déjà installées. Dans plus de la moitié, La Poste s’engage en mettant à disposition ses locaux et en garantissant par la même occasion la présence postale. Certaines préfectures s’appuient même sur ces organisations pour y installer la permanence d’une sous-préfecture ou l’antenne d’un tribunal. L’objectif des 1 000 maisons avant la fin de l’année 2016 sera atteint. Les demandes sont de plus en plus nombreuses et cette politique sera reconduite en 2017.

L’objectif des 1 000 maisons avant la fin de l’année 2016 sera atteint.[...] Cette politique sera reconduite en 2017."


Quel bilan faites-vous des engagements financiers vers les territoires ruraux ? Les fonds rencontrent-ils suffisamment de projets locaux ?
J.-M. Baylet : L’investissement a fait l’objet d’un effort de l’Etat d’un milliard, avec 300 millions dédiés aux centre-bourgs et 200 millions reconduits sur la dotation d’équipement des territoires ruraux. Autant de fonds déconcentrés au service du cadre de vie rural, où les projets des élus sont nombreux. J’ai d’ailleurs demandé aux préfets d’installer dans chaque département un sous-préfet référent à la ruralité chargé de monter une commission de suivi de ces mesures. Car sur ces dispositifs, il faut que l’information circule !

Beaucoup de mesures ont été lancées ou annoncées lors des deux précédents comités. Qu’attendre de ce troisième CIR ?
J.-M. Baylet : Ce troisième comité interministériel aura un double objectif : faire le bilan des mesures déjà entamées et de l’utilisation des fonds. Et nous annoncerons de nouvelles mesures sur de nouveaux champs d’action : des mesures assez transversales sur le service public en milieu rural et sur les écoles rurales.

Les élus ruraux pourraient surtout vous demander de nouveaux moyens financiers à l’occasion de ce troisième CIR…
J.-M. Baylet : Dire que les choses sont moins simples qu’hier pour investir dans son territoire, c’est évident. Mais affirmer que la baisse des dotations bloque tous les projets d’investissement, c’est inexact. J’ai l’habitude de dire que celui qui affirme ne pas avoir d’argent pour investir dans des projets, c’est surtout qu’il n’a pas de projets !

>> Retrouvez la deuxième partie de cet entretien avec Jean-Michel Baylet consacrée au Pacte Etat-métropoles, à la baisse des dotations, à la complexe réforme de la dotation globale de fonctionnement, et aux négociations avec les départements sur le financement du RSA.

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