Printemps des Territoires - Pour un habitat rénové, inclusif et évolutif...

Pour son Printemps des Territoires 2022 - journée d'échanges tous azimuts entre acteurs et décideurs publics locaux et nationaux organisée ce 22 septembre au Centquatre à Paris -, la Banque des Territoires a souhaité porter une vision prospective. Comment préparer la France de 2030 ? "Un élan plus qu'un bilan", tel que l'a lancé en préambule son directeur, Olivier Sichel. Se projeter, en commençant par les problématiques prégnantes de l'habitat et de la rénovation énergétique, de la santé et du vieillissement… Morceaux choisis.

L'idée ce 22 septembre, en ouverture du Printemps des Territoires, n'était pas de dresser un bilan des quatre ans d'existence de la Banque des Territoires. Olivier Sichel a toutefois posé quelques jalons. En matière de logement par exemple, avec la rénovation de 500.000 logements sociaux. En matière de numérique aussi : "On a connecté 6 millions de foyers ruraux, c’est déjà pratiquement derrière nous pour le département du Nord, du Pas-de-Calais, pour l’Alsace, pour les Deux-Sèvres, et aujourd’hui, on connectera 5.000 foyers de plus". Sans oublier bien-sûr le programme Action cœur de ville. Parmi les projets à poursuivre pour la Banque des Territoires ? Le réseau de recharge de véhicules électriques, la rénovation des réseaux d'eau, l'adaptation du changement climatique pour "gérer l'inévitable" (gestion des grandes chaleurs, aménagement des littoraux touchés par le recul du trait de côte…). Dans tous les cas, a-t-il insisté, "ceux qui portent le changement, ce sont les élus".

  • Parler d'habitat aujourd'hui, c'est nécessairement se pencher sur la question énergétique. Y compris en matière d'habitat social, sachant que "le parc social est globalement plus performant que le parc privé" avec une hausse de 40% des logements sociaux bénéficiant de l'étiquette A, B ou C, comme l'a rappelé Marianne Laurent, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH) lors de la première table ronde de cette journée. Les choses se poursuivent évidemment, y compris par "des micro-mesures qui, mises bout à bout", donnent des résultats (portes, ascenseurs…). Et il va falloir "accélérer" le mouvement de rénovation, prévient Marianne Laurent, songeant aux échéances de 2034 (fin des logements E) et de 2050 avec la Stratégie nationale bas-carbone (fin de logements D). Mais pour elle, il est essentiel de "dépasser le niveau du bâtiment" pour mettre en place "une stratégie plus globale" à l'échelle du quartier voire de la ville, notamment pour "organiser des échanges d'énergie" (entre bâtiments connaissant leurs heures de pointe à des moments différents, pour tirer parti de la présence d'un datacenter ou d'un métro, pour récupérer les eaux grises, etc.). L'USH et la Caisse des Dépôts mènent une réflexion prospective là-dessus, car il est essentiel "que les bailleurs sociaux puissent s'inscrire dans ces stratégies territoriales".
     
  • Songer à la rénovation énergétique, c'est aussi se pencher sur la situation actuelle en matière de précarité énergétique. C'est Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qui s'est livré à un rapide état des lieux ce 22 septembre : 21% de la population "pauvre en termes de conditions de vie", le logement qui représente en moyenne 30% du budget des ménages, des coûts énergétiques en hausse de 30% entre 2021 et 2022, 5,2 millions de passoires thermiques… Ainsi aujourd'hui, "12 millions de personnes souffrent de précarité énergétique" et on a comptabilisé 785.000 réductions ou coupures d'électricité en 2021. Et Christophe Robert d'évoquer, entre autres, des effets délétères en termes de santé. Il juge que le dispositif MaPrimeRénov' a constitué une avancée importante, mais que "les interventions ne sont pas assez performantes". D'où la nécessité d'un accompagnement, comme l'avait fait valoir le rapport Sichel. Mais aussi la nécessité de "tendre vers le zéro reste à charge lors de rénovations pour les ménages pauvres". Sinon, prévient-il, "ça ne se fera pas".
     
  • Au-delà de l'habitat, la problématique plus globale de la performance énergétique de l'ensemble des bâtiments et équipements a aussi été questionnée, des représentants d'Enedis et de GRDF étant venus à la tribune rappeler les exigences de l'enjeu de sobriété pour les années à venir… et la façon dont ces deux acteurs peuvent a minima accompagner les acteurs locaux par la mise à disposition de données. L'outil Prioreno, récemment mis en place par la Banque des Territoires avec Enedis, GRDF et l'appui de deux ministres, a été mis en exergue. Gratuit pour les collectivités locales, il permet, en fournissant une vision "bâtiment par bâtiment", de "cibler les rénovations prioritaires". Le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, en a été l'un des premiers utilisateurs. Il y voit "un outil de pilotage permanent remarquable" dans cette "course contre la montre" dans laquelle les villes se sont lancées. Et tous d'estimer qu'il serait aujourd'hui souhaitable d'"étendre Prioreno à d'autres énergies" et d'"élargir l'usage" de ce type de données à toutes les communes ainsi qu'aux bailleurs sociaux.
     
  • Sobriété… et réversibilité. Ou comment, concevoir des bâtiments suffisamment évolutifs pour pouvoir en modifier les usages. C'est l'une des perspectives auxquelles tient Mohamed Gnabaly, le maire de l'Ile-Saint-Denis (93). Sa ville multiethnique de 8.000 habitants ne manque pas de réalisations et projets : réhabilitations, 3.000 m2 de solaire, ensemble de la ville en zone 30, restauration scolaire en régie à 90% de bio, ferme horticole… Le tout, sur fond de projet Anru 2 et d'écoquartier fluvial. Dans "une approche intégrée, systémique", souligne-t-il. Et, désormais, sur fond de village olympique ! C'est évidemment ce projet lié à Paris 2024 qui a donné une place centrale à cette notion de réversibilité : une fois les JO finis, comment va ensuite vivre ce bâti pendant les 50 années suivantes ? Mais pour Mohamed Gnabaly, la réversibilité doit imprégner tous les projets, par la promotion d'une "culture de l'usage" : espaces mutualisés dans un immeuble (buanderie, espaces de travail…), usage et non plus propriété d'une place de parking… Une "nouvelle approche" qui, reconnaît-il, est complexe car générant parfois un "choc des cultures".
     
  • Un habitat évolutif, adapté… c'est aussi un habitat propre à permettre aux personnes âgées en perte d'autonomie de rester vivre à domicile, comme le souhaiteraient 85% d'entre elles. A domicile, ou du moins dans un environnement qui ne soit pas du "tout établissement". "On reste aujourd'hui trop souvent sur une vision binaire entre établissement et isolement chez soi", constate Dominique Libault, directeur de l'École nationale supérieure de la Sécurité sociale et auteur en mars dernier du rapport " Vers un service public territorial de l’autonomie" (voir notre article), qui plaide pour le développement territorialisé d'une "nouvelle offre d'habitat" et de nouveaux services. Guillaume Richard, fondateur du groupe Oui Care centré sur les services à la personne, plébiscite lui aussi "les solutions d'habitat inclusif avec ouverture sur la ville". Illustration a été donnée par le département des Landes avec le célèbre projet, certes encore atypique, du Village landais Alzheimer Henri Emmanuelli, qui accueille 120 personnes dans un environnement misant sur la reconstitution d'un village traditionnel, avec une approche sanitaire innovante… et, donc, un souci d'ouverture du site vers la population générale en y implantant des équipements utiles à tous, telle une médiathèque. "Il faudrait que demain, une expérience comme celle-ci ou celle de la Cité des aînés à Saint-Etienne relèvent du droit commun", juge Dominique Libault.
 

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