Printemps des Territoires - Comment le verdissement devient un enjeu de revitalisation pour les centres et les quartiers

La sobriété foncière et le verdissement des quartiers seront parmi les grands enjeux de revitalisation des années à venir. Une séquence organisée à l'occasion du Printemps des Territoires, le 22 septembre, a permis de passer en revue quelques initiatives locales fortes, comme la volonté de la région Grand Est de créer une agence de transition écologique.

"Nous sommes aujourd’hui à un moment clé pour la gestion des territoires, la gestion des collectivités", a déclaré Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, à l’occasion du Printemps des Territoires, organisé par la Banque des Territoires le 22 septembre, à Paris. Un événement censé poser les grands défis de la France à horizon 2030 mais rattrapé par la grave crise énergétique qui secoue l’Europe. L’ancienne maire de Beauvais a dit vouloir faire de la "coopération" entre grandes villes et périphéries et de la "co-constructrion" entre collectivités et État les maîtres mots de sa politique d’aménagement du territoire. Une bonne façon d’introduire une séquence consacrée à la "revitalisation des territoires" pour celle qui, à la tête de Villes de France et de l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires), a porté le programme de revitalisation des villes moyennes Action cœur de ville, dont la phase 2 démarrera en 2023. La "sobriété foncière" en sera l’un des enjeux des années à venir, avec notamment le traitement des entrées de villes (ce que d’aucuns ont appelé "la France moche") et la mise en œuvre du ZAN (zéro artificialisation nette) parfois vécu comme une entrave aux projets de développement des maires. L’inquiétude monte aussi avec le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables qui sera présenté le 26 septembre en conseil des ministres (voir notre article de ce jour), les élus craignant, une fois de plus, de devoir se plier aux exigences de l’État.

Frugalité plus que sobriété

"Je vois beaucoup d’élus qui, face au ZAN, nous disent : on veut développer le territoire, mais on a une pression très forte pour ne pas artificialiser", a ainsi témoigné Olivier Sichel, le directeur de la Banque des Territoires. Mais pour d’autres élus, la "sobriété foncière" peut aussi être une opportunité. Il faut "essayer de vivre le ZAN comme une chance et non une contrainte", "il faut créer de la valeur différemment", a ainsi appuyé Jean Rottner, le président du Grand Est, reconnaissant au passage avoir "un très mauvais bilan carbone", lui qui parcourt entre 10 et 15.000 km par an "pour connaître par cœur le territoire". Le président de la région invite à parler de "frugalité", qui répond à un choix, plutôt que de "sobriété" qui repose sur des contraintes.

Le Grand Est a été précurseur dans la revitalisation des centralités - la région a dépensé environ 70 millions d’euros dans cette politique depuis 2017- mais aussi dans la requalification de friches industrielles ou commerciales : 104 hectares de friches ont été requalifiés pour un coût de 20 millions d’euros par an depuis cinq ans. "On a anticipé le phénomène", s’est félicité l’élu, avec un travail sur la dépollution de ces sites, une réflexion autour de l’urbanisme durable… Le Grand Est souhaite à présent créer une "agence de transition écologique", sorte d’Ademe régionale, à la fois "incubateur", "centre d’innovation"... Un lieu où "les financeurs et les porteurs de projets peuvent se rencontrer", avec un système de "bourse carbone à l’échelle régionale". Pour Jean Rottner, cet interventionnisme régional est "la seule manière d’offrir des perspectives à des territoires qui se sentent trop enclavés dans une gaine administrative ou réglementaire".

Une charte de végétalisation 

Dans le même esprit, la ville de Périgueux (Dordogne) porte un projet de "densification douce". "Nous avons un petit territoire de 10 hectares, si vous ne reconstruisez pas la ville sur elle-même, vous ne pouvez pas développer de nouveaux projets", a souligné la maire, Delphine Labails. La ville cherche à accompagner les familles dans le temps en favorisant l’extension de leur logement, leur permettant ainsi de continuer à vivre en ville. Elle table aussi sur la construction dans les dents creuses, la lutte contre les parcelles vides, la renaturation et la division des parcelles (alors que de nombreuses maisons possèdent de grands jardins, l’idée est d’y construire des maisons de plain-pied pour maintenir à domicile les personnes âgées). Périgueux a lancé une "charte de végétalisation", avec une réflexion sur la végétalisation des "abords" (quels arbres planter ?), la désartificialisation des chemins piétons, l’enlèvement du bitume, la végétalisation les façades (niches pour les hirondelles). Pour participer à cette démarche et obtenir son permis de végétaliser, il suffit aux habitants de signer la charte.

Accélérer le verdissement des quartiers

Prendre soin de la nature en ville : cette réflexion sur le verdissement touche aussi les quartiers politiques de la ville (QPV). Elle est au cœur du programme Quartiers résilients présenté le 12 septembre (voir notre article du 13 septembre) et qui, comme l’a rappelé le ministre de la Ville, Olivier Klein, dans un message diffusé lors du Printemps des Territoires, poursuit un triple objectif : la bataille du climat, la bataille du plein emploi et la bataille de l’égalité des chances. Or la crise énergétique et inflationniste actuelle connaîtra son paroxysme en 2023, a prédit Kosta Kastridinis, directeur des prêts à la Banque des Territoires, avec des effets sans doute amplifiés dans ces quartiers. "La pire des réponses serait l’attentisme", a-t-il alerté, invitant à ne pas relâcher les efforts. Au-delà de la crise, "les quartiers politique de la ville sont plus purement touchés que les autres par les grands défis du moment, comme l’urgence climatique", a souligné Kosta Kastridinis. Ce sont souvent des ensembles minéraux avec "très peu de végétalisation". "Il va falloir qu’on accélère sur le verdissement des quartiers", a-t-il insisté, sans oublier le développement économique et l’égalité des chances. C’est le chemin que le maire de Laval (Mayenne), Florian Bercault, dit avoir pris depuis son élection en 2020, avec notamment la création d'une ferme urbaine. "J’ai envie que demain tout un chacun puisse aller vivre dans les quartiers populaires", a-t-il déclaré, vantant "l’une des plus belles réussites qui existent en France" à travers les Territoires zéro chômeur de longue durée. "Malheureusement la politique de la ville a eu tendance à isoler les quartiers populaires. Il faut faire du droit commun avec des aides supplémentaires" et "ne plus penser qu’aménagement urbain", alors que "80% d’une ville est constitué d’espaces privés", a-t-il mis en garde, battant en brèche l’idée que les QPV "coûtent un pognon de dingue". Englobant 8% de la population, ils n'ont reçu que 1% des crédits du plan de relance, a-t-il pris pour exemple. Lui se bat aujourd'hui pour que les quartiers puissent recevoir 1% du fonds vert.