16es rencontres nationales des Scot et zéro artificialisation nette : "choisir pour ne pas subir"

Très inquiète l'an passé après le vote de la loi Climat et des mesures visant à lutter contre l'artificialisation des sols, la Fédération nationale des Scot, qui vient de tenir ses 16es rencontres nationales à Besançon, appelle aujourd'hui les élus à relever le défi du zéro artificialisation nette et à "choisir, pour ne pas subir".

Fin août dernier, la loi Climat et Résilience et ses dispositions sur le zéro artificialisation nette (ZAN) avait suscité de vives inquiétudes parmi les participants aux 15e rencontres nationales de la Fédération nationale des Scot (voir notre article du 30 août 2021). Les 16e rencontres, qui viennent de se tenir à Besançon ces 16 et 17 juin, ont cette fois été placées sous le signe de l’acceptation et de la… reconstruction !

Ré-enchanter l’aménagement du territoire

"Choisir pour ne pas subir", tel a été le mot d’ordre durant ces deux jours, le président Michel Heinrich invitant ses collègues à "transformer la contrainte législative en opportunité politique de ré-enchanter l’exercice d’aménagement du territoire". Rien de moins. Ce changement de pied de la fédération a sans doute été facilité par le fait que les conférences des Scot "ont plutôt bien fonctionné", comme le relève son président. Ce dernier confesse même avoir été "surpris de voir que les élus étaient positifs, surpris par leur volonté d’aboutir". Il se réjouit en outre que "partout, on a évoqué la qualité plutôt que des chiffres", lui qui redoute "une approche arithmétique et en silo". Aussi ne doute-t-il pas que ces conférences seront en octobre "en capacité de faire des propositions aux régions" relatives à la fixation d’un objectif régional et, le cas échéant, sa déclinaison en objectifs territorialisés, ce qu’il juge "indispensable".

Un changement de nature, pas de degré

La fédération n’a pas pour autant sombré dans l’insouciance. "Les élus ont progressé sur l’acceptation du changement de modèle, mais les difficultés restent sur la table", avertit Stella Gass, directrice de la fédération. "C’est une véritable révolution", "une rupture dans nos façons de faire", met en perspective Michel Heinrich. Un défi supplémentaire pour des élus locaux qui n’en manquent pas : adaptation et atténuation du changement climatique, tout à la fois vieillissement, augmentation et desserrement de la population, mutation du commerce, réindustrialisation, indépendances alimentaire et énergétique, préservation de la nature et de ses ressources… Autant d’éléments qui impliquent que "nous devons faire preuve de créativité pour ne pas reproduire l’aménagement de ces 60 dernières années", explique Michel Heinrich. "On ne pourra pas faire comme avant en réduction", précise Jean-Paul Michaud, vice-président du Grand-Besançon.  Lui et Stella Gass, égrènent quelques pistes concrètes, prenant l’exemple des zones d’activité : "ne plus y mettre les activités qui n’ont pas à y être – le tertiaire", "mutualiser parkings, aires de stockage voire même bâtiments des entreprises", à tout le moins "créer des bâtiments mitoyens", etc. Stella Gass insiste plus généralement sur "la nécessaire identification des besoins, y compris ceux de la nature, en élargissant le prisme", mais aussi parfois "en inversant le regard". Et d’évoquer par exemple les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), vus jusqu’ici uniquement sous l’angle de la stricte "protection", de leur "sanctuarisation" et qui doivent être appréhendés comme des "espaces de projet". Bref, passer "d’une vision patrimoniale de la nature à une dimension écosystémique".

Gérer les "coups partis" et sensibiliser

À court terme, la fédération identifie deux principaux challenges. D’une part, "la gestion des coups partis", qui risquent fort d’obérer toute marge de manœuvre future si les élus n’y prennent garde, rappelant que "le décompte foncier a commencé le 22 août 2021". D’autre part, la sensibilisation et l’appropriation de la question par les élus et la population. "La loi Climat reste pour l’heure un enjeu d’experts", pointe Michel Heinrich. Afin d’y remédier, la Fédération a mis à disposition des élus un guide didactique (à télécharger ci-dessous), qui vise à la fois à expliquer le bien-fondé de la démarche et comment la mettre en œuvre, notamment sous forme de "check-lists" : parmi les urgences, conduire différents audits et recensements (empreinte carbone du territoire et de ses habitants, Enaf, puits de carbone, potentiel de renaturation, bâti existant remobilisable, friches, niveau de vacance…) et renoncer à certaines pratiques, comme celle "du jardin strictement horticole", entendre "les espaces verts d’agrément". À charge pour les élus de relayer ensuite le message auprès des agents et des concitoyens. "Les habitants vont être percutés par ces changements", prévient Stella Gass, qui souligne qu’il est "toujours difficile pour eux de voir évoluer leur cadre de vie". Aussi insiste-t-elle sur la nécessité de l’écoute, du dialogue et de la pédagogie, mais aussi de s’appuyer sur "leur expertise d’usage" afin de faciliter l’appropriation des enjeux et l’accompagnement des changements.

État au soutien

En matière d’accompagnement, Michel Heinrich attend singulièrement celui de l’État pour aider les collectivités à franchir l’obstacle, et plus particulièrement celles auxquelles l’ingénierie fait défaut. Là aussi, il souligne que le défi est grand puisque les délais sont réduits. "Or les DDT (directions départementales des territoires) ont été pas mal dépouillées ces derniers temps". Sans surprise, il appelle une nouvelle fois à une véritable réforme de la fiscalité et des aides à la pierre (voir notre article du 21 mai 2021). La fédération espère également, entre autres revendications, que les territoires soumis au recul du trait de côte pourront bénéficier de mesures dérogatoires pour éviter une double peine, ou une clarification de la prise en compte des grands projets d’intérêt national, "en espérant que l’effort sera réparti sur l’ensemble du territoire, et pas imputé à la seule région où se dérouleront les travaux". S’agissant des régions, Michel Heinrich forme encore le vœu qu’elles "seront très claires dans leur Sraddet, notamment sur les énergies renouvelables", et qu’elles tiendront compte des préconisations émises par les conférences des Scot.