Foncier agricole : les maisons à la campagne toujours en vogue, l'artificialisation reprend

Les ventes de maisons à la campagne poursuivent leur forte progression en 2021 avec 135.790 transactions enregistrées, soit un bond de 21,3%. Cette attractivité se double d’une reprise forte de l’urbanisation, au plus haut depuis dix ans. Peut-être en anticipation du "zéro artificialisation nette".

Les Safer, vigies du marché foncier rural, avaient été parmi les premières, l’an dernier, à parler d’un "exode inversé", avec l’afflux de citadins achetant des maisons individuelles à la campagne (voir notre article du 28 mai 2021). Expression maintes fois reprises, commentée, nuancée, contestée… Mais la tendance observée l’an passé, sur fond de crise du Covid et de confinements à répétition, se confirme : les ventes de maisons à la campagne ont encore progressé de 21,3% en 2021, avec 135.790 transactions enregistrées (en résidences principales ou secondaires), pour une surface totale de 76.600 hectares (+ 21,3%). Par définition ces biens peuvent comporter jusqu’à 5 hectares de terrain et répondent au désir de verdure des habitants des grandes villes. En valeur, cela représente un total de 32.217 millions d’euros, soit un bond de 37,2% sur un an. Toutes ces données proviennent du traditionnel atlas sur "Le prix des terres" publié par la Fédération nationale des Safer le 24 mai. À titre de comparaison, l’ensemble du marché immobilier du logement ancien n’a progressé "que" de 12%. Conséquence, cet afflux d’acquéreurs tire les prix vers le haut : le prix moyen des maisons à la campagne s’établit à 199.000 euros, en hausse de 9,3%, deux points de plus que le marché de l’immobilier ancien (+ 7%). "L’attrait des maisons à la campagne est confirmé par des transactions à des niveaux exceptionnels", souligne la fédération, considérant qu’il s’agit là "d’un enjeu territorial de premier plan". Les mois de juin et juillet ont constitué des pics, avec environ 14.000 transactions enregistrées par mois.

Grandes disparités

La fédération relève cependant de grandes disparités territoriales, les transactions se concentrant surtout dans le quart nord-ouest, le littoral sud-est ou l’axe rhodanien alors qu’elles sont nettement moins nombreuses dans le Massif central, les Cévennes ou le Grand Est. Ainsi, les ventes ont bondi de 53,7% dans les Alpes-Maritimes, de 53,2% dans l’Aube, de 41,6% dans la Marne et la Haute-Marne. La part des étrangers parmi les acquéreurs diminue, notamment celle des Britanniques qui représentent aujourd’hui 1% des achats (-32%). Dans les zones frontalières la part des étrangers grimpe à 15%.
La fédération relève que les acheteurs "issus de l’aire d’attraction de Paris" représentent à eux seuls 10% des transactions, avec une préférence pour la Bretagne, le long de l’axe de la Seine, la Dordogne ou le Var.

Ces données s’inscrivent elles-mêmes dans un marché agricole "extrêmement dynamique", après la contraction de 2020 (hormis les maisons à la campagne), avec 397.300 ventes sur un an, tous marchés confondus, soit un bond de 22,3%. Les seules ventes de terres et de prés ont progressé de 19%, dans un contexte d’accélération des départs à la retraite. La part des agriculteurs dans ces ventes ne cesse de diminuer et s’établit aujourd’hui à 50,9% des surfaces, au profit des personnes morales (21,6% des surfaces, + 13 points).

Un niveau record pour l’urbanisation

La fédération s'inquiète par ailleurs du redémarrage de l’artificialisation des terres. Autrement dit, de l’urbanisation (logements, équipements collectifs, infrastructures…). 33.600 hectares de terres ont ainsi été vendus pour être urbanisés (+ 23,5%). C’est le plus haut niveau depuis dix ans "malgré toutes les politiques de la maîtrise de la consommation du foncier", souligne Emmanuel Hyest, le président de la FNSafer. Ces chiffres peuvent s’expliquer par la reprise des opérations suspendues en 2020, mais pas uniquement. "L’approche de la mise en application de l’objectif 'zéro artificialisation nette' aurait-elle accéléré les projets ?", interroge la fédération. Comme pour les maisons à la campagne, les prix des terrains constructibles de moins de 1 hectare augmentent de 6,3% pour la troisième année consécutive, à 76.300 euros. La pression de l'urbanisation s'exerce fortement sur les littoraux et diffuse dans l'arrière-pays. Elle aussi soutenue "de façon centrifuge" autour de l’Île-de-France et des métropoles. En cinquante ans, la surface agricole utile a ainsi diminué de 10,2%. "La crise sanitaire de 2020, et plus récemment le conflit qui se déroule en Ukraine, nous montrent que les potentiels productifs des sols sont des éléments stratégiques de résilience et de sécurité alimentaire", insiste la fédération.